La difficile épreuve du choix
Entre les blessures, les cas positifs au Covid et un début de parcours sélectif, les managers ont attendu jusqu’au bout avant de dévoiler leur sélection pour le Tour.
Tim Declercq peut l’avoir mauvaise. Testé positif au Covid, le coureur belge, dont le remplacement a été officialisé par QuickStep hier à 11h46, aurait pu peutêtre, à quelques heures près, disputer le Tour de France. Dans l’après-midi, l’UCI, afin de se prémunir d’un assèchement prématuré du peloton, a repatiné son protocole sanitaire. En résumé, il met fin à deux menaces importantes pour les participants : les équipes ne risquent plus de quitter la course si deux coureurs sont testés positifs, et la fin de l’aventure pour l’un d’eux n’est pas certaine s’il ne présente pas de symptômes, son cas étant examiné par la direction médicale du Tour et les médecins de son équipe.
«Une mesure de bon sens» saluée par Christian Prudhomme dans Ouest-France, qui a rappelé le cas d’Aleksandr Vlasov, leader du Tour du Suisse mais contraint de rentrer chez lui pour un test positif alors qu’il se portait «comme un charme» , a précisé le patron de la Grande Boucle. Ce «relâchement» autour du protocole fait les affaires du champion de France en titre Florian Sénéchal (voir ci-contre) mais pour les managers qui, depuis cet hiver, se font des noeuds dans la tête pour monter leur sélection de huit coureurs, la nouvelle est un peu rude. Même pour EF Education, dernière équipe à ne pas encore avoir soumis ses huit coureurs à l’organisation et qui a encore jusqu’à demain pour le faire.
Chez Groupama, on n’a pris aucun risque
D’autres n’ont pas attendu aussi longtemps pour dévoiler leurs batteries mais, par le passé, la liste des 176 participants était connue bien avant et, hier, les dossards n’étaient toujours pas attribués. Si Groupama-FDJ a révélé sa liste le 22juin, à en croire son manager Marc Madiot, elle ne lui a coûté aucune nuit blanche: «Sélectionner, c’est écarter, cela fait partie du jeu.» Son équipe a été épargnée par les variants (seul Quentin Pacher a été testé positif ), tout comme celle d’AG2R-Citroën où Clément Berthet a vu deux petites barres s’afficher sur son test: «Il n’avait pas de symptômes, explique son patron Vincent Lavenu. Il est sur la liste des remplaçants, mais cela n’a pas bouleversé le mode de sélection.»
À l’inverse, le Tour de Suisse a marqué un vrai tournant dans la préparation de la plupart des autres équipes avec une vague de cas positifs qui avait mis sur le flanc, entre autres, Marc Hirschi, Tom Pidcock, Alexander Vlasov et poussé Bahrain, Alpecin ou UAE Teams à ne pas reprendre le départ au matin de l’étape de Locarno. Comme EF Education, Jumbo Visma, en stage à Tignes jusqu’à vendredi dernier, a attendu « d’être sûr que ceux qui étaient en Suisse, même s’ils étaient négatifs, ne deviennent pas positifs au bout d’une semaine » , révèle Mathieu Heijboer, directeur de la performance. Si aucun cas n’a été décelé dans la station parmi les coéquipiers de Primoz Roglic, testés tous les jours, la nouvelle vague a affecté «toute la préparation pour le Tour » et retardé « l’annonce de notre sélection » , poursuit Heijboer.
Chez Groupama non plus on n’a pris aucun risque: Thibaut Pinot comme David Gaudu sont restés bien au chaud et n’ont pas participé aux Championnats de France à Cholet le week-end dernier alors que Pogacar, en marge du Tour de Slovénie, a regretté de devoir se tenir à l’écart du public. Des principes de précaution bien assimilés par les coureurs à quelques jours de la plus grande course de la saison.
Lavenu cherche le savant dosage
D’ailleurs, hier dans l’avion qui menait certains d’entre eux à Copenhague, Guillaume Martin ou Anthony Turgis faisaient partie des rares passagers à porter des masques. Ce dont Romain Bardet, sur un autre vol, s’était ému un peu plus tôt dans un tweet.
Pour le reste, les derniers mois, ceux d’avant le nouveau protocole, ont ressemblé aux années précédentes, il a fallu jongler entre les blessures et les convalescences des uns, les derniers cas de Covid pour les autres, donc, et un début de Tour sélectif qui a obligé les managers à anticiper ce qui ne peut pas vraiment l’être. «Le parcours a forcément une influence sur nos choix mais on le connaît depuis un certain temps, on a eu le temps de le saucissonner, de le disséquer», avance Madiot.
Son homologue Vincent Lavenu a lui aussi cherché« uns avant dosage car c’est un Tour compliqué, il y a tellement de changements de parcours... La première semaine va être déterminante». Dans l’idéal, il aurait fallu une équipe jusqu’à la Porte du Hainaut puis une autre à partir de la Planche des Belles Filles, mais des choix tactiques ont dû être réalisés comme chez Jumbo qui, en mars après avoir reconnu plus précisément les premières étapes, a revu sa copie et opté pour des profils flandriens. Mais les équipes les moins embêtées au moment de coucher huit noms ont probablement été celles qui n’ont pas d’ambition au classement général, selon Lavenu: «Elles choisissent plus de baroudeurs et peuvent prendre plus de risques car elles s’en foutent du général.»
À l’issue de la première semaine dont Madiot veut «sortir indemne» , elles seront peut-être déjà un peu plus nombreuses dans ce cas.