À coups de points
Le Tour se déroulera aussi sur fond de chasse aux points UCI. Car pour certaines équipes, une place au sein du World Tour est en jeu.
– À l’heure des comptes, il y aura forcément des grincements de dents et des pleurs. Depuis 2019, tout le monde était pourtant prévenu. Il suffisait juste de prendre les choses au sérieux. Au terme de la saison en cours, seules les dix-huit premières équipes du classement mondial UCI cumulé sur les trois dernières années auront le droit d’évoluer au sein du World Tour jusqu’à la fin 2025.
Pour nombre d’équipes, la calculette est devenue ainsi l’outil indispensable afin de se maintenir à flot. À ce jeu, le prestige des courses n’a plus vraiment de valeur et seuls les points polarisent les intérêts. «Je pense que nous devrions courir pour offrir un spectacle et pas pour additionner des points, s’est récemment offusqué Eusebio Unzue, le manager de l’équipe Movistar. Il faut revoir le système. » Le coach espagnol a des raisons de se montrer inquiet. Sa formation pointe aujourd’hui à la 16e place mondiale et parvient à se maintenir la tête hors de l’eau grâce principalement à son vétéran, Alejandro Valverde (42 ans). Mais le danger est loin d’être écarté.
Un Tour à deux visages
Comme l’emblématique structure espagnole, les formations Cofidis, EF Education-EasyPost, BikeExchange-Jayco, Lotto-Soudal et Israël-Premier Tech vivent dans un stress de plus en plus perceptible. Aujourd’hui, un sprint pour la dixième place sur la Route Adélie ou le Grand Prix Amorebieta n’est plus à négliger. Face à l’urgence, ces mêmes équipes ont commencé à bouleverser leur calendrier et n’hésitent plus à demander une place au départ des courses les plus improbables.
Ainsi, au moment où le Tour se sera à peine élancé du Danemark, les équipes Cofidis, Astana, Lotto-Soudal, Bora-Hansgrohe, Jumbo-Visma et Israël-Premier Tech partiront à la chasse aux points sur les routes du Sibiu Cycling Tour (2-5 juillet), dont une victoire au classement général final compte plus qu’un succès d’étape sur la Grande Boucle. Les organisateurs de la modeste épreuve roumaine n’en demandaient pas tant, mais tout est bon à prendre, d’un côté comme de l’autre. Nul doute qu’il y aura aussi une pléiade de candidatures pour le Tour d’Autriche (2-7 juillet), interrompu depuis deux ans.
Évoluant avec le statut d’équipe UCI ProTeam (D2), Arkéa-Samsic est pour l’instant la grande bénéficiaire de cette réforme mondiale, au même titre qu’Alpecin-Fenix. Grâce à une judicieuse stratégie développée depuis trois ans, la formation dirigée par Emmanuel Hubert est aux portes de la Première Division en ayant parfaitement ciblé les objectifs quantitatifs et renoncé aux paillettes du Giro, du Tour du Pays Basque, du Tour de Romandie ou du Tour de Suisse. Pour l’instant, la manoeuvre est payante même si rien n’est encore totalement acquis. «Ce n’est pas seulement cette année qu’on s’intéresse à ce classement par points, c’est un travail sur trois saisons, souligne Yvon Caër, directeur sportif de l’équipe bretonne. Pour devenir rentable, il faut choisir les courses.»
Arkéa-Samsic reste pourtant encore dans la zone sensible. Après les différents Championnats nationaux, huit formations se tiennent en moins de 1800 points, de la 13e place d’Arkéa au 20e rang occupé par Israël. À titre d’exemple, les Belges de Lotto-Soudal ne comptent que 21 points de retard sur BikeExchange pour sortir de la zone de relégation. Les esprits sont tendus. Selon plusieurs sources concordantes, les mal lotis du World Tour comme Israël, Lotto, BikeExchange, EF Education, Movistar, Cofidis ou DSM auraient demandé à l’UCI de revoir la formule de relégation en considérant que le classement mondial a été quelque peu tronqué en raison de la période de pandémie. L’UCI n’aurait pas accédé à leur requête.
Dans ce contexte bien particulier, le Tour pourrait donner lieu à une course à deux visages. Avec d’un côté, la bagarre des cadors pour le général et de l’autre, celle des chasseurs de points.
“Je pense que nous devrions courir pour offrir un spectacle et pas pour additionner des points. Il faut revoir le système M’ AN’AGER EUSEBIO UNZUE, LE DE L’ÉQUIPE MOVISTAR