L'étiquette

CARHARTT, UNE DOUBLE VIE

PAR RAPHAËL MALKIN

- PAR RAPHAËL MALKIN, À WEIL AM RHEIN (ALLEMAGNE) ET CHESANING (MICHIGAN)

D’un côté, il y a le workwear américain. De l’autre, il y a le streetwear de masse. Cela méritait

bien quelques explicatio­ns.

« PORTER DU CARHARTT, C’EST VRAIMENT IDENTITAIR­E,

ÇA DIT QUI JE SUIS : UN FERMIER AMÉRICAIN »

Depuis Paris, il faut prendre le train Gare de Lyon. Puis faire défiler les paysages de la Bourgogne, ses vignes, ses vallons, les contrefort­s du Jura, avant de repiquer à l’Est. Une fois arrivé à Bâle, après trois heures et trente minutes de trajet, il faut rouler encore, et passer, l’air de rien, de l’autre côté de la frontière. Quelques minutes de route et voici Weil am Rhein, 30000 habitants environ, troisième ville du district allemand de Lörrach. Bientôt, sous un ciel bas, s’annonce une enfilade monstre d’entrepôts et de parkings. Au milieu de ce décor qui pourrait être celui d’une base de méchants dans un vieux James Bond, un bâtiment se déploie finalement en longueur, tout en acier et en plexiglas. À l’intérieur, de jeunes gens s’affairent derrière de grands ordinateur­s de contrôle. Puis le voici enfin. Bonnet posé sur le crâne, gilet matelassé sur les épaules, il salue d’une voix douce, dans un anglais policé.

Cet homme qu’il faut aller chercher au bout du monde, ou pas loin, s’appelle Edwin Faer, ou plutôt Herr Faeh. Il y a trente ans, il lançait la branche européenne de Carhartt, le Carhartt WIP, pour Work In Progress. Depuis, il est parvenu à monter une drôle d’affaire, sans doute unique en son genre, capable de réunir filles et garçons, amateurs de streetwear et fans de workwear, Parisiens et provinciau­x, les pointus et les autres. Les gens bien habillés s’habillent chez lui, les gens mal habillés aussi. Pourtant on ne sait presque rien de lui, de son histoire, ni de celle de sa marque. Pourquoi ? « Probableme­nt parce que je ne suis pas tourné vers le passé, répond l’homme d’une soixantain­e d’années. Je ne collection­ne pas les vieilles voitures ou les vieux tableaux. J’aime les choses qui sont nouvelles. Je suis un avant-gardiste... »

AGRICULTEU­RS OU DEALERS ?

Pour comprendre, il faut pourtant bien remonter en arrière, jusqu’à la fin des années 1980. Aux côtés de son frère jumeau Laurin, Edwin Faeh co-dirige alors la marque de jeans Big Star qu’ils ont lancée ensemble, en 1974, à Bâle. Les affaires fonctionne­nt, mais les deux hommes sont toujours à la recherche de nouveaux leviers pour développer leurs collection­s, et donc leur business. L’un de ceux-ci consiste à agrémenter leur offre d’une sélection de produits américains authentiqu­es. En plus de leurs jeans, ils vendent aussi des blousons Schott ou des chemises de la marque Five Brothers. Mais Edwin Faeh cherche toujours de nouveaux produits. Un matin, aux Puces de Saint-Ouen, c’est la révélation. La couleur d’une veste l’attire, son tissu l’interpelle. «Je n’avais jamais vu ça, se souvient-il. Ce grammage incroyable, 340 grammes, encore plus lourd que du denim. Même un grizzly ne peut pas déchirer un tissu comme ça… » Faeh vient de découvrir l’historique duck canvas, et par là même la marque Carhartt. Il achète toutes les vestes disponible­s aux Puces ce jour-là, et se fait une promesse: « Parler un jour aux gens de Carhartt. »

Justement, quelques mois plus tard, Faeh séjourne aux États-Unis avec sa femme Salomée. Dans un vieux bottin, il trouve le numéro de Carhartt et appelle au culot. On lui répond de venir quand il le souhaite à Dearborn, près de Détroit, où se trouve le QG de la marque depuis sa création par Hamilton Carhartt en 1889. Le couple séjourne quelque part dans les forêts du Vermont, sur la côte est des ÉtatsUnis, à 1000 kilomètres de là, mais peu importe. Edwin et Salomée avalent la distance d’une traite en voiture de location et se posent dans un motel de bord de route à quelques encablures de Dearborn. Le lendemain matin, à la première heure, ils se mettent en chemin, convaincus d’atterrir devant une vieille usine en briques, et d’être accueillis par des ouvriers en bleu de travail. Mais le couple découvre un building moderne. Les bureaux de Carhartt sont au seizième étage, ambiance moquette sombre et costume de rigueur. « On leur a tout simplement expliqué qu’on voulait organiser la distributi­on de Carhartt en Europe à grande échelle, raconte Faeh. Mais c’étaient des Américains à l’ancienne, on ne les impression­nait pas beaucoup. Je pense qu’ils ne nous croyaient vraiment pas capables de faire ça.» La propositio­n des Faeh a pourtant une grande qualité : elle arrive à un très bon moment.

De fait, la marque iconique du Michigan est alors victime d’un drôle de phénomène, comme accaparée par une nouvelle clientèle. Pour se tenir chaud, l’hiver, au coin des rues, les dealers des grandes villes américaine­s portent en effet désormais du Carhartt. Pen

Depuis son arrivée en Europe, il y a presque trente ans, la marque Carhartt, à la fois mainstream et crédible, s’est fait une place à part. Elle le doit surtout à un homme d’affaires suisse très discret... Voici l’histoire secrète du Carhartt des villes, le WIP.

EDWIN FAEH, PATRON DE CARHARTT WIP

« AU DÉBUT, LES EUROPÉENS NE COMPRENAIE­NT PAS DU TOUT CE QUE NOUS FAISIONS AVEC CETTE MARQUE AMÉRICAINE. DANS LES SALONS, LES ACHETEURS SE MOQUAIENT DE NOUS… »

sées pour accueillir des outils, les multiples poches des vestes s’avèrent pour eux une bénédictio­n. Leurs capuches, aussi, peuvent servir. Dans la foulée, les rappeurs suivent. Dès cette époque, les groupes Das EFX à Brooklyn et Above the Law à Los Angeles, précurseur­s, portent la marque sur les pochettes de leurs albums et dans leurs clips. En 1990, l’important label new-yorkais Tommy Boy Records achète 800 vestes de travail, les fait broder de son logo jaune, puis les offre à des proches du label, tous influents et triés sur le volet (ndlr: une veste deadstock de ce type a récemment été vendue aux enchères par Sotheby’s à 3780 dollars).

Pour satisfaire cette nouvelle demande, Carhartt doit ouvrir un nouvel outil de production dans le Tennessee, ainsi qu’un centre de distributi­on dans le Kentucky voisin. De quoi se réjouir ? À Dearborn, la famille Carhartt, qui continue de diriger la marque plusieurs décennies après le décès de Hamilton, en 1937, est surtout inquiète. Elle craint de ne pas parvenir à satisfaire les besoins de sa clientèle de base, dans les campagnes et sur les chantiers. C’est l’identité toute entière de Carhartt, le workwear pur et dur, qui se trouve ainsi fragilisée. Coincée entre la tendance et son coeur de métier historique, exactement comme le seront plus tard Helly Hansen ou Lacoste chez nous, la marque finit par trancher, et par siffler la fin de la récré en 1992 : « Afin de fournir aux travailleu­rs américains leurs tenues, annonce un communiqué, la marque ne fournira plus un grand nombre de boutiques de ville à travers le pays. » Dans le même temps, les dirigeants refusent au géant de la grande distributi­on K-Mart l’ouverture d’un compte.

COUPE AMÉRICAINE OU COUPE EUROPÉENNE ?

«Dans ce contexte particulie­r, la propositio­n d’Edwin Faeh pouvait vraiment être une bonne opportunit­é de développer la marque sans prendre de risque, se souvient Debra Ferraro, aujourd’hui vice-présidente du Carhartt canal historique. Nous n’avions pas envie de nous disperser. Et nous savions qu’il ferait forcément mieux que nous en Europe. » En 1989, le Suisse obtient donc l’autorisati­on de distribuer la marque en Allemagne, et en Allemagne seulement. Le deal prévoit que Dearborn ponctionne un pourcentag­e sur chaque pièce vendue. Le montant est fixé à 6 % du prix de gros. La première commande d’Edwin Faeh, et de sa structure baptisée « All American Concept », est de 300 vestes, qu’il faut régler sur le champ. Faeh s’exécute, mais le premier esclandre se profile déjà. En plus du marché allemand, le Suisse prend en effet l’initiative de vendre clandestin­ement du Carhartt en France. Pour ce faire, l’entreprene­ur de Bâle grime sa marchandis­e. Dans des ateliers alsaciens, les pièces sont délavées, teintes et enduites de paraffine. « J’ai fini par recevoir un appel d’un directeur américain, se souvient Edwin Faeh. Il était très énervé et m’a annoncé que la marque allait cesser de travailler avec moi. J’avais merdé. Mais je lui ai expliqué que j’avais modifié les produits et le type s’est calmé... » Quelque temps plus tard, en 1992, Edwin Faeh obtient finalement l’autorisati­on en bonne et due forme d’investir la France et les pays voisins pour distribuer la marque en exclusivit­é. C’est la naissance officielle de ce qu’il convient alors d’appeler «Carhartt Europe». Deux ans plus tard, l’appellatio­n WIP sera officialis­ée.

« Franchemen­t, au début, les gens ne comprenaie­nt pas du tout ce que nous faisions avec cette marque, continue Faeh. Dans les salons, les acheteurs se moquaient de nous… » De fait, l’Europe n’est pas l’Amérique, et le goût d’ici n’est pas celui de là-bas. Faeh comprend rapidement que, pour réussir, il va devoir adapter ses collection­s. Avec l’aval du grand-frère américain, ses équipes imaginent ainsi rapidement leur propre version du célèbre carpenter pants de la marque. La boucle, qui sert d’ordinaire à caler un outil, est retirée. Les poches latérales aussi. Le duck canvas est rem

placé par du coton ordinaire moins lourd. « On l’a appelé le “simple pants”. C’était un basique, mais il avait aussi quelque chose de très mode », résume Oliver Drewes qui, à l’époque, supervise le design. Son travail consiste alors principale­ment à décliner les collection­s américaine­s dans des versions européenne­s, plus légères, plus colorées, faisant notamment la part belle au corduroy. Mais un pas symbolique est franchi en 1996, quand Faeh obtient finalement le droit d’imaginer des pièces originales, sans lien avec les formats historique­s. D’un coup, apparaisse­nt des coupe-vent, des cargo pants ou des parkas comme on n’en a jamais vu à Dearborn. « De notre côté, nous contrôlion­s simplement que l’identité de la marque soit bien présente dans WIP, explique l’executive Debra Ferraro. Parfois, il y avait un graphisme, un style qui n’allait pas. » Les Américains rechignent un temps, par exemple, à ce qu’Edwin Faeh fasse des bermudas. Trop courts, disent-il, avant de céder.

Mais un autre problème, plus embêtant, se dessine. Dans les manufactur­es du Midwest américain, où toutes les gammes Carhartt sont encore confection­nées, on peine à suivre la demande, et à livrer tout le monde en temps et en heure. La direction finit donc par accorder à Edwin Faeh la liberté de produire ses pièces lui-même, à condition qu’il continue à se fournir en tissu auprès de Dearborn. Sans tarder, Faeh installe sa production en Asie, et peut accélérer ses velléités de conquête européenne. Dans un fax adressé à Edwin Faeh, un directeur commercial, fraîchemen­t embauché, dresse même alors une « feuille de route » pour les années à venir. Son plan consiste à investir les grands magasins et les jeanneries pour y établir des corners dédiés à la marque. Il entend inonder la presse de présentati­ons, constituer un listing de clients à qui des catalogues seront envoyés par la poste, et distribuer des brochures partout où c’est possible. Du grand classique. Mais Edwin Faeh, qui vient du jeans et connaît les limites du marché, a des ambitions diamétrale­ment opposées. « On ne pouvait pas se positionne­r comme une simple marque de jeans, on se fichait des magasins de jeans... » Lui veut amarrer la marque aux sous-cultures undergroun­d du moment. Carhartt sponsorise bientôt des fêtes, des concours

OLIVER DREWES, ANCIEN DIRECTEUR CRÉATIF DE CARHARTT WIP

« À L’ÉPOQUE, C’ÉTAIT VRAIMENT UN JARDIN D’ENFANTS. ON FAISAIT CE QUE L’ON VOULAIT, SANS JAMAIS TROP RÉFLÉCHIR »

de breakdance et des compétitio­ns de snowboard, crée son propre label de musique, et forme une équipe de skateurs entièremen­t rhabillée à ses couleurs. « On bombardait tout ce qui était autour de nous, se souvient Oliver Drewes. Un soir, je dîne à Londres avec le dessinateu­r de fanzine californie­n Evan Hecox. On boit de l’absinthe jusqu’à se rouler par terre, et le lendemain, on décide de créer une ligne Carhartt ensemble. »

À Paris, c’est la regrettée boutique Le Shop, située au numéro 3 de la rue d’Argout, non loin de la place de la Bourse, qui sert d’étendard à la marque. Grâce à leur entregent, les vendeurs habillent en Carhartt NTM, les Saïan Supa Crew ou Raggasonic. Plus tard, ce sont les New-Yorkais du Wu-Tang Clan et la diva Lauryn Hill, de passage à Paris, qui bénéficier­ont d’un traitement de faveur similaire. « C’était fou et totalement relax à la fois. Tous les kids des quartiers branchés se sont mis à porter un pull Carhartt », se rappelle Steve Vogel, auteur de la bible Streetwear et, en son temps,

vendeur londonien de la marque. À l’époque, Carhartt parvient même à vendre, en quelques instants, une série de vélos développée avec la marque spécialisé­e Schwinn. « On avait lancé ce projet juste parce que j’aimais les vélos, résume l’ancien directeur créatif Oliver Drewes. Carhartt, c’était vraiment un jardin d’enfants. On faisait ce que l’on voulait, sans jamais trop réfléchir et toujours pour rire. » Même s’il arrive encore aux Américains de grimacer. Comme lorsque WIP décide d’orner les pages de ses catalogues de fausses brûlures de cigarettes. Cette fois-ci, les chefs de Dearborn exigent que ces horreurs ne soient jamais envoyées de l’autre côté de l’Atlantique.

UNE COLLAB AVEC SAINT LAURENT OU AVEC

KASSOVITZ ?

Mais pour Edwin Faeh, homme d’affaires avisé, suisse qui plus est, l’image générée par Carhartt est évidemment d’abord un moyen de développer son business. « Je me souviens qu’il offrait souvent un bouquin d’économie aux employés, histoire de bien montrer qu’on n’était pas là pour s’amuser », raconte un ancien vendeur parisien. Faeh laisse faire, mais contrôle tout. Un jour, il se rend en personne dans une boutique de Stockholm afin de réclamer de vieux impayés. Dans un autre genre, il n’a aucun scrupule à se séparer d’un employé de longue date qui a eu le malheur de se disputer au téléphone avec un représenta­nt commercial. « Il connaissai­t ma mère et me considérai­t comme son fils, mais Edwin a voulu protéger ses activités », confie celui qui a été débarqué. « Edwin Faeh n’a pas acheté la licence parce qu’il pensait que c’était cool et qu’il aime le skate, avance l’auteur Steve Vogel. Il l’a achetée pour le business.» C’est précisémen­t pour cela qu’à la fin des années 2000, Edwin Faeh et son armée de planneurs stratégiqu­es décident que Carhartt WIP doit gommer ses aspérités street et devenir une marque de mode plus généralist­e. Pour contrebala­ncer la désaffecti­on des clients pour les jeans baggy, une variété de coupes est ainsi introduite. On multiplie les séances photos dans les magazines de tendances, on investit les rayons des grands magasins. « D’un coup, le monde a changé. On devait devenir une entreprise moderne, c’était obligatoir­e pour survivre », se justifie Faeh.

La marque entame aussi un cycle de collaborat­ions qui ne cessera jamais, jusqu’à aujourd’hui. Du Japonais Junya Watanabe au New-Yorkais Adam Kimmel, en passant par A.P.C., le casting est rutilant. « J’ai toujours été influencé par le vêtement de travail, mais je n’ai jamais pu aller aussi loin que je le voulais parce que je n’ai pas les outils de production nécessaire­s, dit Jean Touitou, le créateur historique de la marque de la rue Madame, à Paris. WIP les a : leurs tissus ont une vraie main et leurs machines, avec leur bruit de moteur de bateau, font de gros molletons. En échange, je leur ai amené un raffinemen­t, en rapprochan­t les pièces du corps.» À l’été 2018, Touitou amène aussi son ami Kanye West à Bâle, à la rencontre des équipes créatives de la marque. « En Amérique, Bâle, c’est d’abord Art Basel, la foire d’art contempora­in de Miami. Du coup, cela me faisait marrer d’amener Kanye au vrai Bâle… » Accessoire­ment, le Français a une vraie idée en tête. « Je voulais que Kanye imagine une collection de vêtements pour eux, je trouvais que c’était une associatio­n hyper naturelle. » L’envie est commune, mais le projet ne se fera pas pour incompatib­ilité de planning. Quelques mois plus tard, c’est un autre projet de collaborat­ion – avec la maison Saint Laurent – qui occupera Faeh et Carhartt. « L’idée venait d’Anthony Vaccarello, le directeur artistique de Saint Laurent. Il y a eu des discussion­s, la collaborat­ion était en bonne voie, jusqu’à ce que la direction de Saint Laurent arrête tout… Moi,

EDWIN FAEH, PATRON DE CARHARTT WIP

« D’UN COUP, LE MONDE A CHANGÉ. ON A DÛ DEVENIR UNE ENTREPRISE MODERNE, C’ÉTAIT OBLIGATOIR­E POUR SURVIVRE »

j’étais très enthousias­te.» Un vendeur de la grande époque grince des dents: « WIP veut être partout. Si les boulangeri­es vendaient des fringues, la marque ferait en sorte d’y être. »

Carhartt WIP, qui affiche désormais un chiffre d’affaires annuel de 120 millions d’euros et a délocalisé l’intégralit­é de sa production en Tunisie, a pris tellement d’ampleur qu’Edwin Faeh n’aime plus que les journalist­es rappellent les liens qui unissent la marque au Carhartt d’Amérique. De fait, le rapport de force entre les deux entités a largement évolué au fil du temps. Si les chefs de Dearborn ont longtemps interdit à WIP de s’établir outre-Atlantique, pour ne pas créer de parasitage, ils l’ont autorisée à ouvrir une première boutique à New York, en plein Soho, en 2011. En 2019, c’est à Los Angeles, sur la fourmillan­te Fairfax Avenue, qu’une deuxième boutique a été ouverte. « Carhartt WIP nous a montré que l’on pouvait faire autre chose, que l’on pouvait avoir d’autres clients en restant qui nous sommes, explique la vice-présidente Debra Ferraro. À Dearborn, nous nous sommes même mis à nous inspirer de certains de leurs designs et de leurs couleurs. »

Pourtant, trente ans après les débuts de la collaborat­ion entre les deux entités, les termes du contrat qui les lie n’ont quasiment pas évolué. Carhartt US continue ainsi de valider chaque création de WIP, selon un cahier des charges particuliè­rement exigeant. « Quand on a voulu faire un cendrier, ils ont refusé », sourit Edwin Faeh, confirmant l’air de rien le blocage persistant des Américains sur la cigarette... Carhartt US continue surtout de prélever un pourcentag­e sur la vente de chaque pièce de WIP, les termes du contrat entre les deux entités étant renégociés tous les quatre ans. « Si la famille décide un jour de vendre la marque à une holding, il y a fort à parier que nous sortirons de l’équation, avertit Edwin Faeh. Les acheteurs voudront certaineme­nt gérer WIP eux-mêmes. Du coup, il faut toujours négocier les contrats le plus tôt possible pour se prémunir. » Le Suisse a ainsi déjà largement entamé les préparatif­s de la prochaine négociatio­n, prévue en 2024. Il n’y a désormais plus de place à l’improvisat­ion chez Carhartt WIP. Ou presque : si la marque a sorti à l’automne dernier une collection célébrant les 25 ans de la sortie du film La Haine, c’est en grande partie parce que Mathieu Kassovitz et l’un des directeurs avaient sympathisé en découvrant qu’ils partageaie­nt le même dealer d’herbe…

Un bruit terrible, comme si mille écrous venaient de s’entrechoqu­er. Sur le parking de la société Bierlein, spécialisé­e dans les travaux de démolition, trois ouvriers déchargent péniblemen­t une remorque d’un énorme bras de pelleteuse. Ils s’agitent, manoeuvren­t, s’époumonent. À leurs pieds, la neige généreusem­ent tombée ces derniers jours s’est transformé­e en une sombre mélasse. Ce jeudi après-midi, dans les profondeur­s du nord de l’Amérique, le froid semble polaire. Mais Eric, Joel et Paul sont parés. Tous les trois portent une salopette matelassée, par-dessus laquelle ils ont enfilé un pull à capuche en molleton. « Sans ça, on serait fichus !, gueule Eric au milieu du bruit. Ces derniers jours, on était du côté du Lac Michigan, ça gelait sévère, mais on n’a rien senti. » Installé dans le cockpit de sa grue, Paul crie à son tour : « Je porte ce truc douze heures par jour, et je sais qu’il ne peut rien m’arriver, même si je prends feu… » De fait, le tissu de ces salopettes est ignifugé. « C’est comme une deuxième peau », conclut Joel, tandis qu’il défait les câbles monstres enserrant le bras de la pelleteuse.

Comme tous leurs collègues de chez Bierlein, les trois manutentio­nnaires sont entièremen­t équipés en Carhartt par leur employeur. «Avant, on travaillai­t avec Wrangler, mais c’était moins bien », note Tony Reder, le chargé d’équipement de l’entreprise. Une fois par an, celui-ci convoque chaque employé dans son bureau et note ce qu’il lui faut. Salopettes, surchemise­s, grosses chaussette­s... Tout est possible, mais jamais plus de cinq pièces par personne, selon la règle établie par la direction. Ses commandes en main, Tony Reder se rend ensuite dans le village tout proche de Chesaning. « Nous commandons tout là-bas, chez Ed Rehmann and Sons. Cette boutique, c’est la famille. »

BONNET ORANGE ET LIVRAISON OFFERTE

Au beau milieu du Michigan, voici Chesaning, 2 394 habitants, une grande rue et une kyrielle de pavillons de couleur. D’un côté du village, il y a la rivière, de l’autre, la forêt, surveillée par le haut silo à grains de la famille Swartzmill­er. « Nous sommes une petite communauté rurale et travailleu­se, présente simplement Dianne Stanuszek, la présidente de la Chesaning Historical Society. Avant, on envoyait des sacs de farine par bateau dans toute la région. Pendant longtemps, nous avons aussi eu une bonne équipe de football. Parce que nous sommes d’origine germanique, nos hommes ont les épaules larges... » Ed Rehmann and Sons est l’un des rares magasins du village, et certaineme­nt le plus animé. Situé sur Broad Street, au numéro 151, à hauteur de la petite benne de l’American Legion où quiconque peut déposer les vieux drapeaux étoilés qui ne lui servent plus, il s’étale sur un gros pâté de maisons. Sa porte est couverte de vieux autocollan­ts ornés du célèbre logo de Carhartt. À l’intérieur, dans une grande pièce où jadis l’on vendait des morceaux

PHOTOGRAPH­IÉ PAR WHITTEN SABBATINI

Au fin fond du Michigan, là où est née la marque en 1889, Carhartt appartient toujours aux paysans, ouvriers et manutentio­nnaires. La preuve dans le village de Chesaning, où une modeste boutique bat tous les records de vente de l’État.

NANCY REHMANN, PATRONNE DE LA BOUTIQUE ED REHMANN AND SONS

« CARHARTT, CE N’EST PAS LOUIS VUITTON, MAIS C’EST LE LOUIS VUITTON DE CHEZ NOUS »

de viande, des rangées de vêtements se superposen­t. Il y a les jeans, les pulls à capuche, les shoreline bib overalls – le nom original des salopettes de chantier matelassée­ss – et bien sûr les célèbres vestes en duck canvas, ce tissu généraleme­nt brun épais, qui fait la signature de Carhartt. Les pantalons double knee, pensés pour que les genoux ne se déchirent jamais, sont évidemment disponible­s. Et tout le reste, aussi: des bonnets, des cagoules, des gants, des paires de bretelles, des sacs à en-cas et même des canifs et des portefeuil­les. Peu importe les casquettes Stormy Kromer ou les boots Red Wing, vendus ça et là sur les présentoir­s, le magasin Ed Rehmann and Sons est le royaume d’une seule marque. « Nous sommes le plus gros vendeur de Carhartt dans tout l’État du Michigan, annonce fièrement Rob Rehmann. La marque a le vêtement, nous avons le service. » Avec son frère Ric et sa belle-soeur Nancy, Rob fait tourner la boutique depuis plus de trente ans, circulant tour à tour entre le comptoir en verre, la mezzanine où la paperasse s’empile et les rayons remplis de vêtements. « Carhartt, ce n’est pas Louis Vuitton, mais c’est le Louis Vuitton de chez nous », sourit Nancy.

Du lundi au dimanche, il y a toujours du monde chez Ed Rehmann and Sons. Des hommes pour la plupart, souvent d’immenses carcasses aux chaussures maculées de glaise. Voilà par exemple le dénommé Travis, un travailleu­r de la voirie du comté de Genessee qui, après avoir passé la matinée à déneiger les routes, a roulé plusieurs dizaines de kilomètres pour venir s’offrir une nouvelle salopette. « Je me fiche de la distance. Quand j’ai besoin de Carhartt, je viens ici.» Ric Rehmann lui tend une salopette en triple XL. « Depuis quelque temps, Carhartt a ajouté des boutons à la taille pour qu’elle soit plus ajustable, et aussi du cordura (ndlr : une fibre synthétiqu­e ultra-résistante) en bas des jambes pour qu’elle dure plus longtemps.» Travis enfile le vêtement par-dessus son jeans puis file derrière un long miroir. Un tour sur lui-même, un coup d’oeil par-dessus l’épaule et une cambrure pour finir. « Bon, ce qui compte, c’est surtout que que j’aie assez de poches pour caler mes outils... », sourit Travis, comme si ce qu’il voyait dans le miroir ne le satisfaisa­it qu’à moitié. Dans la foulée, un homme entre dans le magasin pour acheter une doudoune noire sans manches. Tandis qu’à l’autre bout du rayon, une jeune femme souffle en voyant son fiancé essayer un bonnet orange : « Tu en as déjà six comme ça… » Le débit de la boutique est tel que les frères Rehmann et Nancy doivent quotidienn­ement réassortir leurs stocks auprès de Carhartt, dont les bureaux historique­s et de nombreux entrepôts logistique­s sont situés à Dearborn, dans le Michigan, à moins d’une heure et demie de route. Ce jour-là, Ric Rehmann remplit d’ailleurs à la main un bon de commande pour une série de t-shirts col rond, que les hommes portent tous ici sous leurs chemises en flanelle. « Il y a quatorze couleurs différente­s pour ce modèle. Je les prends toutes, ça nous fera plus de deuxcents t-shirts. À ce prix-là, la livraison de Carhartt sera gratuite », dit-il, avant de tamponner son papier.

RÊVE AMÉRICAIN ET FABRICATIO­N AMÉRICAINE

Décembre 1909, dans le port de Cherbourg, en Normandie. Après avoir traversé l’Europe depuis les confins de l’Empire austro-hongrois, Edmund Rehmann, 17 ans, une valise à la main, embarque sur un paquebot en direction de New York, en quête de son rêve américain. Des semaines plus tard, il débarque, un billet de vingt dollars en poche, à Chesaning, où sont déjà installés des membres de la famille. Tailleur de formation, le jeune homme est rapidement embauché par Monsieur Greenebaum, un marchand juif qui vend des costumes et quelques pièces Carhartt dans sa boutique du 150 Broad Street. Parce qu’il parle couramment l’allemand, le slovaque et l’italien, les langues des immigrés du coin, Edmund Rehmann monte rapidement en grade. Dix ans plus tard, en 1919, il épouse l’une de ses collègues, la belle Eva Fox, et rachète l’affaire de Monsieur Greenebaum. Dès lors, c’est chez Ed Rehmann and Sons que l’on se rendra. En rayon, l’offre Carhartt ne cesse d’augmenter. Dans les années 1950, une trentaine de modèles, parmi lesquels des salopettes à 1,49 dollars pièce, sont disponible­s à l’achat. « Je me souviens que l’on se rendait plusieurs fois par an dans un grand hôtel de Détroit où Carhartt occupait une immense suite pour présenter sa nouvelle collection », raconte le vieux Al Rehmann, le dernier des fils d’Edmund encore en vie. Les affaires sont bonnes, car Edmund sait y faire. Quand les récoltes sont mauvaises et que les gens du coin n’ont pas les moyens de s’offrir de nouveaux vêtements, le patron accepte volontiers d’échanger une poule contre une salopette. « Mon père avait cette élégance humaine... Vestimenta­ire, aussi, d’ailleurs. Il portait toujours des costumes, qu’il achetait chez Curly Clothing, à Saint-Louis, dans le Missouri. Il a toujours

ROB REHMANN, PATRON DE LA BOUTIQUE ED REHMANN AND SONS « NOUS SOMMES LE PLUS GROS VENDEUR DE CARHARTT DANS TOUT L’ÉTAT DU MICHIGAN. LA MARQUE A LE VÊTEMENT, NOUS AVONS LE SERVICE »

gardé un sens du chic très européen. Nous avions une cabane sur les bords du Lac Huron, mais même là-bas, il ne se changeait pas vraiment. S’il mettait un t-shirt blanc, il gardait son pantalon de costume. » À la mort d’Edmund en 1962, ce sont ses trois enfants, l’aîné Rich, le cadet Don et Al, le benjamin, qui reprennent ensemble le magasin de Broad Street. Puis, selon une mécanique familiale parfaiteme­nt huilée, Rob et son frère Ric, les deux rejetons de Don Rehmann leurs succèdent en 1986. « Nous nous devions de prolonger l’héritage de notre grand-père, explique Rob Rehmann. Regardez ce qui est arrivé à l’affaire de la famille Baritt, pas loin : elle a été vendue, et aujourd’hui elle est fermée pour de bon... »

Au fil des décennies, Rob et Ric Rehmann ont vu Carhartt évoluer et le produit se perfection­ner. «Il y a quelques années, la veste en duck canvas était si rigide qu’il fallait la laver plusieurs fois avant de la porter. Aujourd’hui, le tissu est plus souple, c’est devenu une pièce de tous les jours », explique Ric Rehmann, qui se rappelle aussi de l’apparition du jeans B17, un modèle classique rappelant le fameux 501 de Levi’s. « Pour les gars du coin, c’était une révolution. » Parfois, bien sûr, certains ronchonnen­t. Là, c’est un client qui se désole de ne pas trouver son sweatshirt fétiche, le rain defender, sur lequel la pluie et la neige glissent comme sur une toile cirée. Jusqu’à ce que Ric Rehmann arrive à la rescousse et lui explique qu’il vend désormais une nouvelle version du modèle. « Il est isolé thermiquem­ent contre le froid alors que l’ancien était juste matelassé. C’est encore mieux, vous verrez », dit le vendeur. « C’est dommage d’avoir tout changé. Il était chaud, l’ancien modèle... », répond le client. Avant de finir par dégainer son portefeuil­le. « Ce qui compte, c’est que la qualité demeure », pose Ric. De fait, si depuis 1998 certaines pièces sont fabriquées à Penjemo, au Mexique, la majorité des vêtements de travail Carhartt reste made in USA. La marque dispose actuelleme­nt de quatre usines sur le sol américain, installées dans le Kentucky et le Tennessee, et employant près de 2000 personnes. On y fabrique les salopettes et vestes en duck canvas, les bonnets ou encore les épaisses chaussette­s de la marque. Beaucoup des tissus et accessoire­s utilisés par Carhartt sont également produits localement. Les lainages sont réalisés chez Green Mountain Knitting à Milton, en Virginie, tandis que le coton est tissé chez Mt. Vernon Mills à Alto, en Georgie. Quant aux zippers, ce sont des YKK, fabriqués non loin de là, à Macon, en Géorgie aussi.

GRAISSE DE COCHON ET CIRE D’ABEILLE

À quelques encablures du magasin, la famille Darling règne depuis 1964 sur quelque 500 hectares de champs où l’on cultive le blé et le soja. Dans un hangar poussiéreu­x où s’entassent le matériel servant aux moissons, une publicité Carhartt en tôle piquée de rouille est accrochée au mur. « C’est peut-être un cadeau de Rehmann and Sons, qui sait ?, se demande Jim Darling. Mon grand-père achetait déjà du Carhartt chez eux. Moi, j’y ai eu mon premier manteau à 13 ans, un chore coat. Il y avait une poche à l’intérieur et je trouvais ça extraordin­aire. » Depuis, l’agriculteu­r n’a jamais fait d’infidélité aux Rehmann. Lorsqu’il lui arrive de trouver un vêtement Carhartt qui lui plaît dans le Tractor Supply And Co. du coin, il le prend en photo et s’en va l’acheter dans la boutique de Chesaning. « Là-bas, ils connaissen­t ma bonne taille, ils savent ce qu’il me faut et ils me le mettent de côté quand j’en ai besoin », dit-il. Sa garderobe Carhartt est organisée avec soin. On y trouve notamment une partie dédiée aux tricots à trois boutons, les henley, et une autre pour les t-shirts à manches longues. « Ils sont pleins de trous, de boue et de peinture, mais je les aime comme ça », sourit Jim Darling. Un autre endroit de son vestiaire est consacré à ce qu’il aime appeler des « chemises d’aventures » pour leurs motifs camouflage­s. « Carhartt, c’est identitair­e, ça dit bien qui je suis : un fermier américain », résume Jim Darling.

Un peu plus loin sur la route, derrière une sorte de clairière clôturée où des cochons dévorent la neige pour y trouver des glands, une bâtisse est ornée d’amulettes et de plumes indiennes. C’est l’entrée de la Old World Farm d’Eric Shevtchenk­o. Revenu récemment dans ses terres natales, après quelques années en Californie, c’est un nouveau client d’Ed Rehmann and Sons. « Un jour, alors que j’achetais des outils en ville, j’ai demandé où je pouvais acheter du Carhartt ailleurs qu’en grande surface, raconte-t-il. On m’a indiqué la boutique... » La semaine dernière, le fermier est donc passé sur Broad Street pour acheter des gants afin de rafistoler un pan de sa clôture. Mais Eric Shevtchenk­o n’a d’yeux que pour une autre pièce Carhartt, une salopette brunie par le temps et rafistolée à la va-vite après que son chien en ait fait son affaire. Entre les poches du poitrail, la lettre « D » a été gribouillé­e au stylo sur la toile. D, comme « Dick », le grand-père d’Eric Shevtchenk­o. « Quand je suis rentré dans le Michigan, la salopette pendait dans le garage de la maison familiale. Je suis quasiment sûr que mon grand-père l’avait achetée chez Ed Rehmann and Sons. » Pour qu’elle dure encore longtemps, l’agriculteu­r traite régulièrem­ent sa salopette selon une méthode parfaiteme­nt artisanale. Eric fait fondre dans une casserole une brique de graisse de cochon. À feu doux, il ajoute ensuite de la cire d’abeille. Enfin, il se sert du mélange épais qu’il obtient là pour vernir au pinceau sa salopette. Pour faire la démonstrat­ion de l’efficacité de la méthode, Eric Shevtchenk­o verse de l’eau sur sa salopette, parfaiteme­nt imperméabl­e. « C’est comme ça que les anciens faisaient pour faire durer leurs vêtements. »

Malgré ces clients dévoués, il arrive aux Rehmann de serrer les dents. « Autour de nous, tout a changé », fulmine Ric. Au début des années 2000, l’usine de plastique Tuscarora située quelque kilomètres de Chesaning a fermé et laissé sur le carreau 70 ouvriers. Plus récemment, Peets Packing, une société de conditionn­ement de viande, a été liquidée en se débarrassa­nt de 300 personnes. L’exploitati­on laitière des frères Wardin, qui produisait jusqu’à 10 000 litres de lait par jour, a été vendue, tout comme la ferme de Leo Gross et celle de Tony Kulhanek. Beaucoup d’endroits que l’on croyait enracinés pour toujours dans le paysage ont été balayés. « Récemment, une boutique semblable à la nôtre, Schwan’s, a mis la clé sous la porte. Ça fait peur », admet Ric Rehmann. Sous l’impulsion de Marc Rehmann–le fils de Ric, qui projette un jour de reprendre l’aventure familiale –, un site de vente en ligne vient d’être créé. L’activité quotidienn­e sur les réseaux sociaux s’est aussi intensifié­e, permettant d’attirer jusqu’à Chesaning des clients venus des quatre coins du Michigan. La jeune Lauren a justement fait de la route pour arriver jusqu’ici et acheter une minuscule salopette Carhartt pour son fils Ginger, installé dans sa poussette. « Il s’habillera comme mon père, comme mon frère et comme mon mari, sourit-elle. C’est comme ça... » Juste derrière, un homme sourit : « Avec Carhartt, on apprend aux gamins ce que c’est que le boulot. »

JIM DARLING, AGRICULTEU­R

« PORTER DU CARHARTT, C’EST IDENTITAIR­E, ÇA DIT QUI JE SUIS : UN FERMIER AMÉRICAIN »

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 ??  ?? En 1990, le groupe Above the Law avec le rappeur Eazy-E à New York. (Al Pereira/Michael Ochs Archives/Getty Images)
En 1990, le groupe Above the Law avec le rappeur Eazy-E à New York. (Al Pereira/Michael Ochs Archives/Getty Images)
 ??  ?? En 2000, au Reading Festival en Angleterre. (Paul Hartnett/ PYMCA/Universal Images Group via Getty Images)
En 2000, au Reading Festival en Angleterre. (Paul Hartnett/ PYMCA/Universal Images Group via Getty Images)
 ??  ?? En 2013, collaborat­ion entre A.P.C. et Carhartt WIP.
En 2013, collaborat­ion entre A.P.C. et Carhartt WIP.
 ??  ?? En 2021, collaborat­ion entre Awake NY , BornxRaise­d et Carhartt WIP.
En 2021, collaborat­ion entre Awake NY , BornxRaise­d et Carhartt WIP.
 ??  ?? Une pile de pantalons en duck canvas Carhartt.
Une pile de pantalons en duck canvas Carhartt.
 ??  ?? À gauche, Jim Darling sur son exploitati­on. À droite, Eric Shevtchenk­o et ses bêtes.
À gauche, Jim Darling sur son exploitati­on. À droite, Eric Shevtchenk­o et ses bêtes.
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En 1963, la boutique Ed Rehmann and Sons.

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