L'étiquette

LE STYLE DE L'ARTISTE

- Par marcos eliades

Par où commencer l’évocation d’un tel style, si flamboyant, si décomplexé, si identifiab­le ? Les photos ne manquent pas, au contraire, elles abondent de toutes parts. Hockney jeune, vieux. Hockney en Angleterre, à Los Angeles, en Normandie. Hockney en train de peindre, de poser, de glander. Et entre toutes ces images, une cohérence.

Pour comprendre le style de l’auteur de A Bigger Splash, figure imposante du popart, il faut évidemment revenir à Bradford, sa ville natale, industriel­le et terne. Enfant, David accompagne régulièrem­ent son père Kenneth dans une friperie du coin baptisée Sykes Vintage. C’est là que la famille s’habille de vêtements gris, usés, ordinaires. David est vêtu comme ses quatre frères et soeurs, il leur ressemble, mais, lui se destine, dès le plus jeune âge, à la vie d’artiste. Alors, à l’adolescenc­e, il intègre le Bradford College of Art, puis le Royal College of Art de Londres. Entre 20 et 25 ans, Hockney porte des cheveux blonds très courts et de fines lunettes noires. Chemise à col souple, cravate noire, trenchcoat en cuir, ou manteau en astrakan. Le calme, ou presque, avant la tempête.

En 1964, à 27 ans et en pleine ascension, Hockney, part à l’assaut des États-Unis. Peu de temps après, en visite à Iowa City, il tombe sur une paire de lunettes rondes à la monture noire imposante. Il les achète, pour en faire sa signature. Quelques mois après, l’Anglais découvre une pub idiote pour une coloration capillaire féminine à la télé. «Blondes have more fun », prétend celle-ci. Hockney décide de troquer sa chevelure blonde ordinaire contre une crinière peroxydée et pétaradant­e. Elle fera tellement sensation que Wahrol décidera, bientôt, de l’imiter. Et tant pis si les deux hommes seront régulièrem­ent confondus en soirée au fil des années…

TEINTURE BLONDE ET LUNETTES RONDES

Inspiré par le soleil et les paysages de Californie, par les piscines aussi, Hockney inonde ses peintures de couleurs. En 1972, il peint Portrait of an Artist (Pool with Two Figures) , vendu 80 millions d’euros en 2018 et ainsi devenu l’oeuvre d’un artiste vivant la plus chère de l’histoire. Sur la toile, un homme nage dans une piscine, tandis qu’un autre homme le regarde depuis le bord. Cet homme-là est le peintre Peter Schlesinge­r, l’ex-amoureux de Hockney. Dans la vraie vie celui-ci porte souvent une veste rose poudre. Sur la toile, Hockney le pare d’une veste rose fushia, presque fluorescen­t.

Pour travailler, l’Anglais porte polos de rugby, cardigans lâches, chemises à rayures bâton et cravates tricot mal nouées. Pour sortir, blazers boating à longues rayures et noeuds papillon à pois. Tout pétarade, avec flamboyanc­e et nonchalanc­e. Un jour, au milieu des années 1970, David Hockney découvre un poème signé Robert Herrick, un auteur anglais du XVIIe siècle. Celui-ci est intitulé Delight in Disorder, (« Doux désordre »). En quelques vers, Herrick y dresse les louanges du dérangemen­t vestimenta­ire. Il évoque « un châle jeté sur tes épaules, par simple distractio­n », « des rubans qui flottent confusémen­t » ou encore « un lacet de chaussures pendant, par ces liens »... Herrick conclue son texte ainsi : « Je vois un désordre sauvage, plus séduisant que la précision. » Dans la foulée de cette lecture, Hockney se met à porter des chaussette­s dépareillé­es.

Une photo de lui, datant de cette période, montre Hockney, installé dans une chaise en bois, vêtu d’un pull vert et jaune, d’un chino, une chaussette rouge écarlate à gauche, une chaussette violette à droite. Récemment, depuis la Normandie, où il est installé depuis deux ans, l’Anglais, 83 ans, a été photograph­ié dans une tenue quasi-identique, une casquette plate sur la tête en bonus. Son style n’a jamais changé parce que sa raison d’être est demeurée la même. «Tout au long de ma vie, j’ai tout fait pour oublier la morosité et la grisaille de mon enfance… », confiait ainsi Hockney au Guardian, en 2015.

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