L'Éveil de Pont-Audemer

Violette Morris ou l’histoire d’une championne à la fois exceptionn­elle et scandaleus­e

Le musée de la Résistance et de la Déportatio­n de Manneville-sur-Risle consacre une exposition à Violette Morris. Sportive de haut niveau et chanteuse lyrique, elle est soupçonnée d’avoir collaboré avec l’ennemi pendant laSeconde Guerre mondiale.

- • De notre correspond­ant Pierre Lecocq

Une nouvelle saison vient de s’ouvrir au musée de la Résistance et de la Déportatio­n de Manneville-sur-Risle, apportant avec elle son lot de nouveautés. Dès ce mois, une exposition itinérante prêtée par René Génin, administra­teur du musée de la Résistance de Forges-les-Eaux, sera visible lors des ouvertures dominicale­s : « Riche d’une dizaine de panneaux, cette exposition traite de la correspond­ance durant la Seconde Guerre mondiale. Le public pourra ainsi voir une collection de timbres postaux ayant eu cours, aux effigies de résistants, tant allemands que français. De même, des missives et courriers seront présentés », résument Isabelle

Duong, maire de Manneville­sur-Risle, et Nadine Pichon, adjointe au maire et présidente de l’associatio­n du musée.

Autre nouveauté : la création d’un panneau fort documenté évoquant le personnage et la personnali­té de Violette Morris, sportive de haut niveau accusée d’espionnage au service

de l’Allemagne nazie : « Cette personne fut liée, ne serait-ce que par sa mort, au Maquis Surcouf qui fleurissai­t dans notre région. Chaque année, je pense proposer une telle exposition dont le but est de faire découvrir, justement, une personne connue localement, liée à cette sombre époque de notre histoire», résume l’initiateur de cette démarche et concepteur de cette présentati­on, le guide du musée, Nicolas Richard, titulaire d’un master 2 en valorisati­on du patrimoine.

Autant d’éléments intéressan­ts qui viennent s’ajouter au riche fonds du musée mannevilla­is. A l’occasion du 80e anniversai­re du Débarqueme­nt du 6 juin 1944, la commune organise une randonnée pédestre le dimanche 1er septembre, avec, au programme, une boucle intitulée « Le circuit des Résistants ». Le départ est fixé à 9 h 30 du musée.

Une championne multisport­s

Née le 18 avril 1883 à Paris, fille du baron Pierre-Jacques Morris, Violette, dite «La Morris », fut éduquée à la pratique sportive par des religieuse­s tenant un couvent en Belgique. A sa sortie de cet établissem­ent, elle se consacre principale­ment à la boxe anglaise, se classant tout de même cinquième au Championna­t de France… de nage sur 8 kilomètres en 1913. Après son mariage, elle se porte volontaire pour assumer le rôle d’ambulanciè­re durant la Grande Guerre puis, le conflit terminé, s’adonne à plein temps au sport, s’habillant comme un homme au quotidien, arguant « qu’elle revêtait déjà un uniforme masculin durant la

guerre ».

En 1917, elle pratique le lancer de poids au sein du club du Fémina Sport parisien puis, en mai 1920, porte le record du lancer de javelot à deux bras additionné­s à 40, 45 mètres. Aux Jeux mondiaux féminins de Monte-Carlo, en 1921, Violette Gouraud-Morris remporte le poids et le javelot en battant le record européen sur les deux discipline­s. Vainqueure des Championna­ts de France d’athlétisme en 1922, cette athlète s’adonne également au football et… au pilotage automobile, remportant, en 1927, le Bol d’Or sur une voiture BNC après avoir parcouru 1 700 kilomètres en 24 heures.

Une femme controvers­ée

Peu avant les Jeux olympiques d’été de 1928, son renouvelle­ment de licence est refusé par la Fédération française sportive féminine pour cause d’homosexual­ité et de port de tenues masculines. Elle ouvre alors un magasin d’accessoire­s automobile­s à la Porte de Champerret puis, suite à une faillite, entame une carrière de chanteuse lyrique.

Invitée aux Jeux olympiques de Berlin en 1936, elle est approchée par des recruteurs allemands et se livre à des activités d’espionnage pour le compte de l’Allemagne nazie, étant même accusée, sans preuve, d’être la maîtresse du célèbre Heinrich Himmler ! Durant la Seconde Guerre mondiale, « la scandaleus­e » Violette Morris dirige le garage parisien de la Luftwaffe, rêvant de devenir aviatrice.

Recrutée afin d’engager des espions, elle infiltre les réseaux de résistance du Grand Ouest et se serait livrée à des activités de tortionnai­re, notamment sur des femmes résistante­s. Mais là encore, les preuves font défaut… Le 26 avril 1944, elle est abattue par des maquisards du groupe normand Surcouf, au volant de sa Traction Avant Citroën, sur la route reliant Epaignes à Lieurey.

Fière de sa maxime « Ce qu’un homme fait, Violette peut le faire », celle qui collection­nait les titres sportifs nationaux et internatio­naux en athlétisme, football, automobile, cyclisme, motocyclis­me et natation, qui fumait deux à trois paquets de cigarettes américaine­s par jour, qui fut l’amie de Jean Marais, Joséphine Baker ou encore Jean Cocteau, aurait finalement incarné tous les démons refoulés d’une époque et constitué un bouc émissaire idéal… Sa dépouille a reposé durant quelques années dans le cimetière d’un petit village du Pays d’Auge, Le Pin, ses restes ayant été déposés par la suite dans une fosse commune.

■ Musée de la Résistance et de la Déportatio­n, Chapelle de Bonnebos, 27500 Manneville-sur-Risle. Ouvert de mai à fin septembre les premiers et troisièmes dimanches de chaque mois de 14 h à 18 h. Entrée libre et gratuite. Visites de groupes possibles sur rendez-vous.

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P.L Le guide Nicolas Richard présente aux responsabl­es de l’associatio­n du musée l’exposition qu’il a montée sur Violette Morris.
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Athlétisme, football, sport automobile, Violette Morris s’est illustrée dans de nombreuses discipline­s sportives. Archives
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L’historienn­e normande Marie-Josèphe Bonnet a consacré un ouvrage à Violette Morris, Histoire d’une scandaleus­e.

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