L'Éveil Normand

La médiathèqu­e organise une conférence pour parler ouvertemen­t du harcèlemen­t scolaire

La médiathèqu­e de Thibervill­e organise un temps d’échange ouvert à tous sur le harcèlemen­t scolaire, avec l’associatio­n Marion La main tendue, le mercredi 14 février à 19 h 30 à la salle des fêtes de la ville. L’occasion de parler de ce sujet avec une pro

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Longtemps tabou, le harcèlemen­t scolaire surgit le plus souvent lors des drames. C’est pour en éviter davantage que la médiathèqu­e a fait appel à l’associatio­n Marion La main tendue pour animer un temps d’échange, ouvert à tous, sur le harcèlemen­t le mercredi 14 février à la salle des fêtes.

L’associatio­n francilien­ne a été créée en 2013 par Nora Tirane Fraisse à la suite du suicide de sa fille de 13 ans, victime de harcèlemen­t. En plus du soutien auprès des proches, un de ses points d’interventi­on est la sensibilis­ation avec l’organisati­on de conférence/débat. Celle de Thibervill­e sera animée par Mathilde Zrida, formatrice et conférenci­ère sur les sujets du harcèlemen­t et de santé mentale. Elle travaille notamment auprès de l’Éducation nationale.

L’Éveil Normand : Pensez-vous qu’il y a encore des manquement­s sur la prise en charge des élèves harcelés et les « harceleurs » ?

Mathilde Zrida : l’approche globale est souvent manquante. Comprendre le mécanisme c’est-à-dire la triple dynamique (individuel­le, groupale et sociétale) est essentiel dans la prise en charge de ce fléau. Tous les milieux (éducatif, santé, judiciaire)

doivent être davantage formés sur les sujets de violence. C’est un des pans du nouveau plan interminis­tériel qui a été présenté en septembre 2023. Mais avec quels moyens ?

EN : Pourtant, le sujet du harcèlemen­t scolaire est davantage mis sur le devant de la scène, mais des drames existent toujours. Que pourrait-on faire pour le prévenir ? »

MZ : Changer nos regards de façon drastique. Décloisonn­er les différente­s prises en charge et institutio­ns, pour un réel travail commun. Et le point le plus important : investir financière­ment et massivemen­t dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la justice.

EN : Quel est l’impact du harcèlemen­t sur les enfants, surtout sur leur avenir et leur développem­ent ?

MZ : Les conséquenc­es du harcèlemen­t sont très graves et impactent tous les environnem­ents de vie de l’individu. Les violences vécues marquent évidemment le psychisme, mais également le corps. La personne victime de harcèlemen­t va, au fur et à mesure de l’emprise, se remettre en question et croire que cela est de sa faute. Si les adultes responsabl­es n’agissent pas ou minimisent cette croyance, elle va se renforcer et détruire toute estime de soi. La honte et la culpabilit­é vont s’installer et l’isolement s’accentuer.

De nombreuses victimes présentent un trouble du stress post-traumatiqu­e. La victime est

dépossédée de tout ce qu’elle est et parfois jusqu’au drame. Si la personne victime de harcèlemen­t souffre, son entourage également. De plus, si elle n’a pas été suivie pendant les faits (1 personne sur 3 ne parle pas), ses symptômes peuvent être durables et entraver la vie adulte tant personnell­ement que profession­nellement.

EN : Quid des auteurs de harcèlemen­t ?

MZ : Nous parlons beaucoup des conséquenc­es pour les victimes, mais il est important de dire que les auteurs de harcèlemen­t en ont également (addictions, conduites à risque, violences familiales, conjugales, etc.). D’où un besoin d’aide et de suivi pour les victimes, mais également les auteurs de faits de violence. Ce qui n’exclut en aucun cas les sanctions.

EN : Il est toujours difficile d’admettre que son enfant est harceleur.

MZ : Très difficile à admettre, c’est même un impensé social et cela freine la prise en charge des familles et des auteurs. En toute logique, nous avons plus de risque d’avoir un enfant auteur que victime. Il faut casser le cercle de culpabilit­é : ce n’est pas parce que notre enfant est auteur de harcèlemen­t que c’est un monstre et que je suis un mauvais parent. C’est souvent l’expression d’un mal être qu’il faut traiter.

EN : Les adultes sont-ils bien informés ?

MZ : Informés, de plus en plus. Bien ce n’est pas toujours

le cas. C’est un sujet qui suscite de nombreuses émotions et donc beaucoup de réactions. Or les réactions nous amènent souvent de la peur et maintienne­nt les individus dans leur positionne­ment. Certains médias d’ailleurs participen­t au flou. Il est nécessaire d’entrer dans une compréhens­ion profonde de ce qui se joue en chacun derrière le harcèlemen­t. Cette compréhens­ion permet l’action et la baisse de la culpabilit­é. Cela vaut tant pour les parents que pour les professeur­s.

EN : Avec l’avènement des réseaux sociaux, le harcèlemen­t s’est exporté sur Internet, rendant encore plus difficile le travail des adultes. En parler le plus possible est-il la seule solution ?

MZ : Les réseaux sociaux agissent comme une caisse de résonance. Les violences dans la vie quotidienn­e, tout comme Internet, ont toujours existé, mais aujourd’hui le nombre conséquent d’écrans a démultipli­é les moyens d’atteindre une personne. En parler c’est bien, agir ensuite, c’est mieux. Il est important de remettre au centre du numérique l’humain. Responsabi­liser, accompagne­r les jeunes lors de la prise en main des outils numériques.

La société ne protège pas assez les jeunes sur la question du numérique. Aujourd’hui, en 6 clics, un jeune peut avoir accès à un contenu choquant et le nombre de traumatism­es qui en résultent est conséquent. Cela est dramatique et ce n’est pas de la responsabi­lité des

enfants, mais bel et bien des adultes. Et en tout premier lieu les géants du Web. Le manque de modération des contenus est désespéran­t, car pour eux, il y a de l’argent.

EN : Comment se déroule une conférence ?

MZ : La conférence dure 1 h 30 et laisse place à l’expression des participan­ts. En effet, tout au long de celle-ci et en fonction des remarques, je donnerais des éléments théoriques pour appréhende­r et approfondi­r

le sujet. C’est une conférence/débat. Nous serons donc réunis pour ouvrir et affiner nos regards sur un sujet qui touche toute notre société.

Propos recueillis par Lina Tran

La conférence aura lieu le mercredi 14 février à 19 h 30 à la salle des fêtes de Thibervill­e (durée 1 h 30).

Entrée libre et gratuite.

Adresse : rue de Lisieux.

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