L'Éveil Normand

Elle témoigne de son quotidien d’aidante face à la maladie d’Alzheimer

Nicole Primel a accompagné son mari, atteint de la maladie d’Alzheimer, jusqu’à son dernier souffle. Aujourd’hui, elle revient sur ces années difficiles qu’elle a réussi à surmonter et à la bienveilla­nce dont ont fait preuveles équipes soignantes.

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La maison de Nicole Primel est bien vide désormais. René, son mari, l’amour de sa vie, est décédé le 9 mars 2024.

Né le 11 mars 1945, cet homme élégant avait su capter le coeur de celle qui devait partager sa vie durant 56 ans. Après six ans dans la Marine Nationale, il fut formateur en pétrochimi­e pour des étudiants algériens et lybiens, puis relanceur en ingénierie pétrolière, ce qui a permis au couple de beaucoup voyager.

Ils quittent Verneuil en 1997 pour s’installer à Heubécourt­Haricourt. Après cinquante années de travail, tout jeune retraité, il décide en 2012, avec Nicole, de s’acheter un campingcar pour continuer à voyager en ayant cette fois le temps de vivre et d’apprécier la beauté du monde. Mais le destin en a décidé autrement. Quelques signes avant-coureurs avaient quelque peu alerté les proches amis, mais rien ne semblait prédire la lente descente de cet homme brillant et heureux de vivre.

« C’est une maladie qui fait peur »

En 2019, le diagnostic est tombé : maladie d’Alzheimer. « C’est une maladie qui fait peur. Les profession­nels hésitent au début à prononcer ce nom. Ils évoquent des pertes de mémoire dues à l’âge ou à la fatigue », raconte Nicole.

C’est ce qui s’est produit pour René. Quelques oublis, quelques confusions, puis des difficulté­s dans la conduite automobile. Et c’est là que les choses se compliquen­t, car la personne touchée par les premiers symptômes est naturellem­ent dans le déni. La famille, les amis, les voisins ne s’en rendent pas compte. Tout semble bien aller si la personne est en bonne santé apparente pour peu qu’on ne passe qu’une heure ou deux avec elle.

« Il n’y a rien de pire que de s’enfermer »

Seuls ceux partageant le quotidien mesurent les effets délétères de ce mal. Nicole ajoute : « C’est nous, les aidants, qui sommes les méchants. Comment dire à quelqu’un qui a toujours conduit et qui aime cela qu’il devrait laisser le volant car c’est plus sûr. On se sent très seul face au déni. Quand on sait qu’on est atteint d’une maladie incurable, on se défend, on s’offusque, on refuse de l’aide, c’est normal. La personne malade a la faculté de montrer que tout va bien, c’est sa fierté. »

Au début, René allait deux fois par semaine à l’accueil de jour à l’hôpital. Il y allait avec plaisir car il avait l’espoir de retrouver ses activités et surtout sa mémoire. C’était rassurant pour lui de n’être pas tout seul à vivre ces difficulté­s. « Cela sociabilis­e car il n’y a rien de pire que de s’enfermer sur soi dans le noyau familial », assure Nicole. Puis, à partir de 2022, les choses sont allées vite. Des allées et retours à l’accueil de jour de l’établissem­ent AugusteRid­ou et un séjour à la Musse d’Évreux, puis Pacy-sur-Eure. Et à partir de mars 2023, ce fut une hospitalis­ation en Unité renforcée à Saint-Michel à Évreux, et enfin à l’Ehpad Auguste-Ridou à Vernon où René s’est éteint.

« On ne se ménage pas »

La période la plus difficile à vivre pour l’aidant se situe entre les deux phases de la maladie. La première où elle reste gérable, et la dernière où la personne est complèteme­nt ailleurs. Il y a un moment où il faut tout gérer, faire attention à tout, porter à bout de bras la vie quotidienn­e, car l’idée est de garder la personne à la maison, dans son univers, le plus longtemps possible, jusqu’à ce que ce lieu lui-même devienne étranger. « On ne se ménage pas, on ne ressent pas forcément la fatigue qui s’accumule, j’ai eu une très forte montée de tension due au stress et je ne m’en rendais pas compte », souligne Nicole. Mais à un moment le corps dit stop, et il faut l’écouter. Elle poursuit : « Il faut faire les choses quand cela doit se faire, donner du bonheur quand il est encore temps, pour ne pas avoir de regret. Il faut rester positif. Nous avons fait, en juin 2022, un ultime voyage en Tunisie contre l’avis du médecin qui craignait que cela le déstabilis­e et le coupe de ses repères. Or, c’est tout le contraire qui s’est produit, il a été très heureux durant ce voyage, je savais que c’était le dernier. »

Les derniers mois, René semblait heureux, apaisé, il se promenait, le personnel était très gentil avec lui. « À la fin, quand j’arrivais, il ne me reconnaiss­ait pas vraiment, alors je lui prenais la main, je lui faisais des bisous et là, il savait qui j’étais. Il parlait à voix basse parfois avec des mots incompréhe­nsibles, sauf quand on parlait de sentiment. À la question : est-ce que tu m’aimes ? Il a répondu de façon très audible : Oui, je t’aime aussi fort que les mots peuvent l’exprimer », se souvient Nicole qui garde en elle ce beau message d’amour à l’image de ce que fut leur vie commune. Puis elle conclut : « On n’a pas autant de temps qu’on l’imagine, donc il faut vivre ses rêves et ne pas attendre. »

Une équipe soignante au top

C’est dans leur univers au décor savamment arrangé que Nicole témoigne : « Il me tient à coeur de remercier chaleureus­ement et publiqueme­nt toutes les équipes administra­tives et médicales des Ehpad Saint-Michel d’Évreux et Auguste-Ridou de Vernon, pour les soins, l’attention, la bienveilla­nce et le profession­nalisme qu’ils ont manifestés auprès de mon mari et de moi-même. Je leur suis très reconnaiss­ante pour la sérénité que je ressentais lorsque je quittais mon mari après mes visites. »

Ce bel hommage rappelle combien il est important de saluer et soutenir tous ceux et celles qui ont pour tâche, au quotidien, de soigner et soulager les personnes souffrante­s.

De notre correspond­ante Monique Dupont Sagorin Le Démocrate Vernonnais

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