De passage à Bernay, Edouard Philippe confirme son ambition présidentielle en vue de 2027
Edouard Philippe s’est arrêté à Bernay, jeudi 2 mai. Avant de participer à un meeting pour les élections européennes, l’ancien Premier ministre a dialogué avec des entrepreneurs. Et il n’a pas caché se préparer pour l’échéance de 2027.
Bernay, « une petite ville » ou « une ville moyenne » ? Edouard Philippe a hésité sur l’emploi des mots, soucieux de ne pas froisser Marie-Lyne Vagner, debout à ses côtés ce jeudi 2 mai. Il s’en est tiré par une pirouette, évoquant « une très belle ville ». L’ancien Premier ministre était en visite dans les ateliers de la Sofac, labellisée entreprise du patrimoine vivant et spécialisée dans la fabrication de chapeaux et de coiffes pour l’armée et la police, entre autres. Il a pu découvrir le savoirfaire de cette société emblématique de l’économie locale, en compagnie d’une quinzaine de membres du Cercle des entrepreneurs, une association présidée par Basile Bohard et qui se présente comme « apolitique » dans ses statuts.
« Apprendre, écouter et réfléchir»
«Bernay, ce n’est pas très loin. Je n’ai pas l’impression d’être en expédition», plaisante Édouard Philippe. Le maire du Havre est plutôt en campagne. Pour les Européennes du 9 juin, il soutient la liste de la majorité présidentielle conduite par Valérie Hayer et a participé le soir même à Bernay à un meeting aux côtés du ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Pour la prochaine élection présidentielle, prévue en 2027, il se prépare et effectue une série de déplacements chaque semaine en France sous la bannière de son parti Horizons. L’objectif? « Apprendre, écouter et réfléchir », répond-il, « afin de formuler, le moment venu, des propositions qui vont dans le bon sens ». « Vous avez compris ce que je veux dire?», glisse-t-il avec un grand sourire. Oui, tout le monde a compris…
«J’écoute, plus que je ne parle, ce qui peut être frustrant pour certains qui voudraient savoir exactement ce que je pense », ajoute Edouard Philippe, en expliquant « varier les milieux». Il rencontre des maires, des responsables associatifs, des entrepreneurs… « Quand je suis à Paris, je m’inquiète beaucoup pour notre pays, je vois les défis auxquels on doit faire face, je vois l’état du monde. Et quand je me promène, je me rassure, car je vois de l’énergie, des compétences, des gens qui tentent des choses, d’excellentes surprises économiques dont on ne parle jamais. »
« Taper fort sur la politique du logement »
À Bernay, auprès de ses interlocuteurs, Edouard Philippe voulait comprendre comment leur « business » pourrait se développer encore plus. « En redonnant un élan à la construction de logements », répond Louis Choain, qui a lancé la discussion alors que personne n’osait prendre la parole en premier. « C’est un gros problème quand des entreprises souhaitent accueillir de nouveaux cadres, selon l’adjoint au maire de Bernay, et vice-président de l’Intercom en charge du développement économique. Ici à Bernay, la rentabilité n’est pas celle de la région parisienne. Il y a donc plus d’appréhension pour investir et on voit les promoteurs tergiverser. »
La thématique a visiblement inspiré l’ancien Premier ministre, qui s’est lancé dans une lourde charge contre la politique du logement en France, qualifiée tour à tour d’incompréhensible et de désastreuse avec « un résultat très médiocre », en dépit « des 40 milliards d’euros d’argent public dépensés chaque année ». Et celui qui était aux commandes du gouvernement entre 2017 et 2020 de désapprouver les trop nombreuses contraintes imposées au fil des ans avec les diagnostics techniques, les permis de louer, le blocage des loyers… « Il faut faire en sorte que ce soit beaucoup plus simple et moins cher de construire. Il faut taper très fort sur la politique du logement », insiste-t-il.
« S’il y avait un marché du travail et de l’emploi plus dynamique à Bernay, avec davantage d’industries, il y aurait un marché plus dynamique pour les promoteurs », fait remarquer une participante aux échanges.
Plusieurs chefs d’entreprise ont rappelé à leur invité l’atout que représente la gare de Bernay, notamment lorsqu’il s’agit de rejoindre la capitale. Et l’importance du déploiement de la fibre optique. De quoi surfer sur l’effet Covid observé localement? « On a 220 résidences secondaires supplémentaires », vante Marie-Lyne Vagner, alors que les derniers chiffres de l’Insee ne cessent de montrer une baisse du nombre d’habitants. La maire de Bernay a regretté que la suppression de la taxe d’habitation, amorcée en 2018, n’ait pas été compensée à l’euro près par l’État dans le budget des collectivités locales. « Les ressources ont baissé, la charge repose sur les propriétaires, et on a dû augmenter la taxe foncière », souffle Louis Choain. « Au Havre, pas nous », rétorque Édouard Philippe.
La maternité, personne n’en parle
Venu pour écouter et prendre le pouls, l’ancien chef du gouvernement a entendu plus de questions que de témoignages. Que ce soit concernant l’intelligence artificielle (« une révolution de l’ampleur de la machine à vapeur et qui va prendre une importance considérable dans notre vie quotidienne », ditil) ou le handicap et la mobilité. À ce propos, Édouard Philippe a tenu à être franc avec une réponse dont il sait qu’elle peut susciter le débat. « On ne peut pas avoir la même densité et la même qualité de services dans un espace rural que dans un espace urbain, considèret-il. Une personne en situation de handicap qui vit en zone rurale aura toujours un peu moins de services en la matière qu’en centre-ville. »
Fait-il une distinction similaire entre zones rurales et urbaines au sujet de la santé ? La problématique de la désertification médicale, pourtant criante dans ce territoire, n’a pas été abordée au cours de l’échange. Aucun entrepreneur n’a donc rappelé à Edouard Philippe la décision prise, lourde de conséquences, de fermer la maternité de Bernay en 2019, à une époque où il était Premier ministre.
Après quarante minutes de discussion, un collaborateur a indiqué au président du parti Horizons qu’il était temps de partir. Un entretien avec MarieLyne Vagner l’attendait (hors présence de la presse), avant un rapide coup d’oeil au musée des Beaux-Arts. Édouard Philippe a ensuite rejoint la réunion publique organisée au théâtre. La salle a salué son entrée par une ovation. Micro en main, Sébastien Lecornu a fait allusion malicieusement aux ambitions de l’ancien Premier ministre, déclenchant les applaudissements du public : « Edouard, il y a une présidentielle en 2027… »
Anthony Bonnet