L'Express (France)

Un homo agressé toutes les 33 heures : assez !

Etre homo, en France, en 2018 Qui sont les “casseurs de pédés” ? Appel : les personnali­tés se mobilisent

- Par Anne Rosencher A. R.

Chacun est arrivé, emmitouflé dans son manteau. Et, même si le studio parisien était chauffé, et le café servi, il a fallu un petit temps pour briser la glace. Car, en cette matinée frigorifiq­ue du vendredi 16 novembre, le sujet qui réunit notre petite bande improvisée, venue de Marseille, Besançon, Paris, Gennevilli­ers ou encore Meudon, n’est pas des plus faciles à aborder. Zak, Maël, Arnaud, Zoé, Lyes, Brahim... Tous sont là pour s’être fait récemment agresser en raison de leur homosexual­ité (ou, pour l’un d’entre eux, de sa transsexua­lité). Tous les six, aux visages hier encore tuméfiés, ont accepté de poser en couverture de L’Express pour que leur cri soit entendu : assez! Assez des insultes, assez des menaces, et assez des coups – aux derniers pointages du ministère de l’Intérieur, 1026 infraction­s homophobes ou transphobe­s avaient été relevées en 2017, dont 262 pour les seules agressions physiques ou sexuelles, soit une toutes les trente-trois heures.

Dans le studio, pendant que chacun passe devant l’objectif pour sa photo, les autres discutent. « Quoi? Tu t’es fait séquestrer ? » Un ange horrifié passe. Avant que Zak, le Marseillai­s de 39 ans, raconte son calvaire dans la cité phocéenne. Plus tard, Maël, un jeune transsexue­l de Besançon, se désole : « Quand je vois les selfies de têtes contusionn­ées qui s’affichent sur les réseaux sociaux accompagné­s de messages comme “cette fois, c’est mon tour”, cela me rend tellement triste. On ne signe pas pour se faire casser la gueule quand on est LGBT. C’est pas écrit en petit dans les mentions légales, hein ! » Brahim, 55 ans – le doyen du groupe –, écoute dans un silence ému. « Quand je les entends, je me dis que j’ai perdu beaucoup de temps. Mais à Aulnay-sous-Bois, où je vivais avant, ça n’était pas possible de dire que tu étais homo. » Lyes, qui habite Gennevilli­ers, en sait quelque chose. Même la police semble avoir baissé les bras. « La dernière fois que je suis allé porter plainte, on m’a reproché d’avoir choisi tel chemin plutôt qu’un autre... » Cependant, la banlieue n’a pas le monopole du danger : c’est bien à Paris qu’Arnaud et Zoé se sont fait agresser, et en Franche-Comté que Maël a été passé à tabac.

Six histoires. Six valeureux qui témoignent pour que la société ouvre les yeux. L’Express s’enorgueill­it d’y consacrer son dossier cette semaine et de lancer un appel déjà signé par des grands noms de tous les horizons (lire page 42). Le courage de ces six aux visages graves qui posent en couverture nous oblige. Qu’ils soient vus. Et entendus.

Six histoires, six valeureux qui témoignent pour que la société ouvre les yeux

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Agir Cinq homosexuel­s et un transsexue­l, tous récemment agressés, s’affichent en couverture de L’Express pour sonner l’alarme.
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