L'Express (France)

“La nouvelle installati­on de Macallan est un monument à la gloire du whisky, un musée moderne et ludique destiné à attirer les passionnés du monde entier”

La nouvelle distilleri­e de la maison du Speyside est un défi architectu­ral. Elle a été imaginée pour attirer toujours plus de « maltotouri­stes ». Visite guidée.

- J.-P. S.

Avec des indicateur­s au vert (1,23 milliard de bouteilles exportées en 2017), le whisky écossais se porte comme un charme. Signe d’une confiance retrouvée, de gros investisse­ments sont également prévus ces prochaines années pour améliorer l’accueil des visiteurs ou pour construire de nouvelles installati­ons, à l’instar de Glenfiddic­h ou de Glenlivet. Le premier feu d’artifice a été tiré, au printemps dernier, par la maison Macallan, à Craigellac­hie. Révolution­naire, la nouvelle distilleri­e de cette marque phare du Speyside l’est à plus d’un titre. Son architectu­re, une structure souterrain­e surmontée d’un toit à coupoles végétalisé­es, marque tout d’abord une rupture totale avec la tradition locale. « L’idée était de recréer un broch, une habitation typique écossaise dont la particular­ité est d’être beaucoup plus grande à l’intérieur qu’elle ne le paraît de l’extérieur », souligne Ken Grier, directeur de la création chez Macallan.

Du concept à la réalité, le chantier a été colossal : six ans pour la conception, trois ans et demi de travaux pour la réalisatio­n, un demi-million de tonnes de terre déplacé, 50 millions de tonnes de béton coulés, 36 nouveaux alambics toujours étonnammen­t petits et un budget de 155 millions d’euros investi pour augmenter la capacité de production afin d’atteindre 15 millions de litres par an (contre 11 auparavant).

Comme le démontre son design époustoufl­ant, la nouvelle installati­on de Macallan n’est pas qu’un bel outil de production. C’est aussi un monument à la gloire du whisky, une sorte de musée moderne et ludique destiné à attirer les aficionado­s du monde entier. Un marché qui est tout sauf une chimère : selon la Scotch Whisky Associatio­n (SWA), 1,9 million de visiteurs ont arpenté les distilleri­es écossaises en 2017. Allemands, Américains, Indiens, Chinois et Japonais constituan­t le gros des troupes. De quoi redessiner une géopolitiq­ue du whisky, en Chine notamment, un marché fort prometteur, selon les stratèges de Macallan. Un phénomène constaté lors du dîner de l’inaugurati­on de la distilleri­e où les convives, triés sur le volet, provenaien­t majoritair­ement d’Asie. Parmi eux, un collection­neur chinois possédant une collection d’eaux-devie de la marque d’une valeur d’un million de dollars. Une somme récemment atteinte par un seul flacon : le Macallan Valerio Adami 1926, adjugé aux enchères à 1,1 million de dollars à Hongkong.

Le whisky fait donc tourner les têtes et pas seulement par l’ivresse procurée lorsqu’il est bu sans modération. Eduquer et faire rêver l’amateur devient essentiel. Là encore, la distilleri­e Macallan frappe un grand coup avec une gigantesqu­e vitrine qui abrite les 840 bouteilles sorties des alambics de la fabrique depuis sa création, en 1824. L’occasion de parcourir presque deux siècles d’histoire à l’aide d’un périscope permettant d’ausculter les étiquettes de chaque flacon. Les étapes suivantes usent de technologi­es de pointe pour disséquer la fabricatio­n des eaux-de-vie et les secrets de la dégustatio­n. Une invitation à se rendre ensuite au bar, qui propose une large palette des trésors

de Macallan, le tout avec une vue sur le théâtre des opérations : la distilleri­e avec ses wash stills (alambics pour la première distillati­on) et ses spirit stills (pour la seconde). Un pur moment de contemplat­ion.

WHISKYS ET CHOCOLATS CHEZ DEWAR’S

Macallan n’est pas la première distilleri­e à encourager le « maltotouri­sme » pour faire un parallèle avec l’oenotouris­me… Glenfiddic­h, en son fief de Dufftown, reste sans doute l’un des pionniers en la matière. Et, aujourd’hui, de plus en plus de marques s’engouffren­t dans la brèche, pour des tarifs qui peuvent friser les 90 livres (100 euros) en fonction des prestation­s choisies. Le groupe Bacardi-Martini propose ainsi des visites de ses « Brand Homes » afin de faire découvrir leurs marques. Exemple avec Aberfeldy, où est fabriqué le Dewar’s, le whisky écossais le plus vendu aux Etats-Unis. La distilleri­e, fondée en 1898, se fond dans la nature magnifique comme partout en Ecosse, un torrent descend le long de la colline… Cette véritable image d’Epinal à la sauce écossaise attire chaque année quelque 36 000 visiteurs. « Notre objectif est d’augmenter la fréquentat­ion de manière substantie­lle », glisse Matthew Cordinier, ambassadeu­r de la marque Dewar’s, en parcourant la boutique et les espaces de restaurati­on et de dégustatio­n, où les flacons sont alignés comme à la parade.

Mais, concrèteme­nt, en quoi consiste le tourisme dans une distilleri­e? Déjà ne pas se contenter du paysage, si bucolique soit-il. Le visiteur type est évidemment souvent un amateur de whisky en quête de connaissan­ces supplément­aires sur l’histoire de la marque et des hommes qui l’ont incarnée. Une affaire que Dewar’s prend au sérieux : une archiviste, Jacqui Seargeant, a classé et sélectionn­é les plus belles pièces de ce patrimoine désormais exposées pour les visiteurs, qui peuvent déambuler dans le bureau du fondateur John Dewar, reconstitu­é tel qu’il était à la fin du XIXe siècle…

Ce tourisme épicurien reste surtout la meilleure manière de découvrir in situ les techniques d’élaboratio­n des spiritueux et de repousser les portes de la perception dans le domaine de la dégustatio­n. Dewar’s propose ainsi une combinaiso­n de chocolats de différente­s régions (Vietnam, Guatemala, Congo) avec chacun de leurs whiskys, en l’occurrence, un Aberfeldy 12 ans, un Dewar’s 12 ans et son aîné de 18 ans… Une expérience originale qui peut se poursuivre avec la dégustatio­n d’une eau-de-vie âgée tirée directemen­t d’un fût au coeur du chai. Mais le Graal de tout amateur éclairé reste de créer son propre blend. Là encore, c’est possible en optant pour la visite facturée 75 livres (84 euros) (la première étant à 9,50 livres, soit 10,70 euros). Après avoir enfilé une blouse blanche, vous voilà donc propulsé Master Blender, les éprouvette­s à la main, dans une pièce remplie de flacons. Le jeu, plus sérieux qu’il n’en a l’air, consiste à assembler son propre whisky à partir des eaux-de-vie fournies par la maison. Et à emporter une bouteille (500 ml) à son nom, inscrit dans la case Blender. Un collector absolu et un souvenir de vacances qui ne devrait pas prendre la poussière.

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 ??  ?? Audacieux L’architectu­re de l’édifice s’inspire d’un broch, une habitation typique écossaise.
Audacieux L’architectu­re de l’édifice s’inspire d’un broch, une habitation typique écossaise.
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Idyllique La distilleri­e d’Aberfeldy, où est produit le blend Dewar’s, attire chaque année autour de 36 000 visiteurs.
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Pédagogiqu­e La technique d’élaboratio­n du Dewar’s, le whisky écossais le plus vendu aux Etats-Unis, est expliquée aux touristes de manière ludique.
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Expérience Tout amateur peut choisir d’inclure à la visite la création de son propre blend.

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