Le défi à Macron
Le chien aboie, la caravane passe… mais elle l’entend. Ainsi peut se résumer l’affrontement entre les « gilets jaunes » et le gouvernement. Après les manifestations du 17 novembre, Edouard Philippe a pris la parole, le 18 novembre sur France 2, pour dispenser un double discours : le message de colère et de souffrance est bien reçu, mais le gouvernement ne change pas d’un iota. La hausse des taxes sur le carburant, le 1er janvier, est maintenue ; les mesures d’accompagnement, annoncées par le Premier ministre, le 14 novembre, sont destinées à en adoucir les effets sur les plus modestes. Le prix du carburant ?
C’est bien le phénomène déclencheur de ce mouvement dont Edouard Philippe a reconnu le caractère inédit, mais la revendication va bien au-delà : c’est toute la politique d’Emmanuel Macron qui est interpellée. Les questions de pouvoir d’achat, le ras-le-bol fiscal, la qualité (et la quantité) des services publics dans les zones rurales ou semi-urbaines sont au coeur du malaise. « Le pays est fracturé, reconnaît un conseiller de l’Elysée, entre ceux qui défilent pour défendre le climat et ceux qui se battent pour les territoires. » Cette fracture-là existait avant l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Un an et demi après, il n’a pas réussi à la réduire, ni même à convaincre qu’il voulait le faire. Ses mesures pour le pouvoir d’achat, ses annonces de baisse d’impôts, le plan santé, la couverture des zones blanches sont notamment destinés à résorber le fossé qui sépare les villes des campagnes. Pourtant, elles sont inaudibles, tant le ressentiment est fort. Si Macron n’est pas responsable de la déshérence des territoires, il en est désormais comptable. Mais il est dans ce moment où tout ce qu’il dit ou fait glisse comme l’eau sur les plumes d’un canard. Il est dans ce moment où toute concession paraît minime, où tout recul serait pris comme un aveu d’échec, une hollandisation, par référence à l’abandon de l’écotaxe face au mouvement des « bonnets rouges », il y a cinq ans. « J’entends ce que disent les Français, c’est très clair. Mais un gouvernement qui changerait de pied […], il ne conduirait pas la France où elle doit être conduite », dit le Premier ministre sur France 2. Ce cap serait-il tenable face au maintien du mouvement?