#TrueStory : des nounous de comptes Instagram !
Il est tentant de se moquer de l’instagrameur compulsif. De sa manie, étrange c’est vrai, de prendre en photo son déjeuner. De sa bouche figée en un éternel cul-de-poule. De l’usage sans foi ni loi qu’il fait de ses enfants (tant qu’ils sont encore photogéniques). Vous pouvez rire, mais c’est du boulot, tout ça.
L’instagrameur est le directeur artistique de sa propre vie,
sa tâche ne connaît pas de répit. Il arrive dans son salon et s’exclame : « Super, ce rayon de soleil sur la table basse ! J’adore, on garde. » Il s’empare de son smartphone, choisit son angle, se lève pour retirer l’aspirateur qui est dans le champ, puis se ravise et le remet à sa place. Aujourd’hui, il veut quelque chose de très simple, naturaliste, limite populo
– tu connais les frères Dardenne ? Une fois la photo publiée, il surveille fébrilement le nombre de likes. Résultat, l’instagrameur compulsif est crevé, à la limite du burn out. Comme tout le monde, il aurait besoin d’une pause… Mais voilà : il ne peut pas abandonner son compte Instagram.
Eh bien, alléluia mes frères,
les hôtels Accor ont été sensibles à la détresse de notre toxicomane des réseaux sociaux! Ils ont estimé que lui aussi avait droit à des vacances. Et c’est ainsi qu’ils ont élaboré le concept de… (roulements de tambour)…
« social media-sitter » ! Comme un baby-sitter, ou un dog-sitter, il prend soin de ce que l’instagrameur a de plus cher : son compte. « Profite de ton week-end sans te soucier de ton compte Instagram, s’enthousiasme le site Internet de la chaîne hôtelière.
Avec notre nouveau service exclusif “Relax we post”,
des social media-sitters
s’occupent de poster pour toi pendant ton séjour. »
Après avoir finement étudié le compte de son client
(« Ok : cheeseburger vegan, tapis-de-feuilles-d’automneaux-couleurs-chatoyantes, courge butternut sur étal de marché… C’est bon, c’est dans mes cordes »), le social media-sitter
en usurpe l’identité, avec son consentement bien sûr (#MeToo). Puis, il publie des photos à sa place, élabore des « stories » et commente même les publications des autres. Soulagement, l’instagrameur a enfin les mains et l’esprit libres pour « découvrir tranquillement la ville », en l’occurrence Zurich ou Genève, puisque c’est là que ce protocole inédit est testé.
Le problème de cette idée de génie,
c’est que si les gens s’aperçoivent que l’instagrameur a une doublure, tout est raté. Et s’ils n’y voient que du feu, l’instagrameur compulsif n’a plus qu’à se foutre en l’air, car c’est la preuve que sa valeur ajoutée est nulle. Une stratégie perdant-perdant, en somme. Instagrameur, décidément, ce n’est pas une vie.