Coeur de Lou
Comme elle est virevoltante et insaisissable, la belle Lou d’Apollinaire. Lou ou, plus exactement, Geneviève Marguerite Marie-Louise de Pillot de Coligny
(ci- contre, en 1914). Descendante d’une famille d’aristocrates, la trentaine frivole et gracieuse, piquante juste ce qu’il faut. On connaissait les superbes missives en vers que lui adressait l’énamouré poète depuis sa caserne du front. On découvre, à l’occasion du centenaire de la mort d’Apollinaire, l’autre facette de cette correspondance : 45 lettres envoyées par Lou à son « Gui chéri » entre décembre 1914 et janvier 1916. Publiées pour la première fois dans leur intégralité (seules six d’entre elles étaient connues jusqu’ici), elles éclairent d’un jour nouveau cette relation souvent dépeinte, un peu injustement, comme asymétrique et cruelle pour le poète. Car aux billets voluptueux et enflammés des premiers mois succèdent, après la rupture, les témoignages d’une amitié tendre et fidèle. A partir de 1915, ils se promettent de s’écrire « deux lettres par semaine » (ci-dessus, l’une d’elles, datée du 11 mai 1915), et s’autorisent un temps quelques écarts coquins – « Je t’embrasse bien fort, et Toutou itou. Moi… j’y joins une petite intention vicieuse… pour te faire chavirer un peu. »
A travers ces lettres se dessine le portrait d’une femme à la spontanéité libre et sensuelle. Difficile de résister aux charmes de ses impatiences insatiables – « Je veux que tu m’aimes encore plus!! Dépêche-toi de tuer tous les Boches pour vite revenir!!! » ; de ses mignonnes déprimes – « La province me flanque le spleen » ; ou de ses maladresses orthographiques – « Tout est or de prix », « As-tu reçu mes quèkes du patelin? » Charmée elle aussi, la maison Gallimard est d’ailleurs tombée dans un joli panneau : croyant reproduire, au début de l’ouvrage, une photographie de « Lou sur la plage à Ostende », elle donne en fait la vedette à une certaine Louise Germain, compagne de Michel Décaudin, l’éditeur facétieux des premières lettres publiées en 1978! Gageons que la bourde, signalée dans le cercle des Apollinariens, sera corrigée lors de la prochaine impression de l’ouvrage…
Et parce qu’un trésor n’arrive jamais seul, la BNF fait paraître un superbe coffret contenant un fac-similé de l’exemplaire d’Alcools aquarellé par le peintre cubiste Louis Marcoussi. A noter aussi : la sortie d’une anthologie illustrée des poèmes d’Apollinaire préfacée par sa biographe Laurence Campa. De quoi combler le coeur – et les yeux – des amoureux de l’amour.
LETTRES À GUILLAUME APOLLINAIRE
PAR LOUISE DE COLIGNY- CHÂTILLON, DITE LOU. GALLIMARD, 128 P., 12 €. 15/20
COFFRET ALCOOLS
FAC-SIMILÉ DE L’EXEMPLAIRE AQUARELLÉ PAR LOUIS MARCOUSSIS, 208 PAGES + UN ÉTUI DE 40 GRAVURES + UN LIVRET DE 48 PAGES, BNF/GALLIMARD, 35 €. 16/20