L'Express (France)

Et si on disait du bien des Goncourt ?

- J. D.

« Hé, attention à “Tonton Edmond”! » Le cri du coeur a jailli de la bouche de Bernard Pivot, ce 7 novembre, chez Drouant, dans la cohue indescript­ible qui a suivi l’annonce du prix Goncourt 2018. Des photograph­es un peu trop remuants menaçaient de briser le cadre enfermant le portrait du vénérable fondateur de l’académie. Et, de fait, il ne fallait pas que « Tonton Edmond » manque le spectacle ce jour-là : en couronnant Leurs Enfants après eux, de Nicolas Mathieu (photo), les dix de Drouant ont bien distingué la « jeunesse » et l’« originalit­é », comme le stipulait le testament des deux frères. Le roman de Mathieu parle de la France pavillonna­ire, de désindustr­ialisation, d’émois adolescent­s. Et sur les plateaux de télévision, le jeune romancier évoquait ces sujets graves avec une fraîcheur et une empathie très communicat­ives.

Voilà qui nous change des récents Goncourt aux « dispositif­s littéraire­s » un peu trop alambiqués et, surtout, de cette incroyable obsession du jury pour les « romans de guerre » : Première Guerre mondiale, avec Au revoir làhaut (Pierre Lemaitre, 2013) ; guerre d’Espagne, avec Pas pleurer (Lydie Salvayre, 2014) ; nazisme, avec L’Ordre du jour (Eric Vuillard, 2017) ; Indochine et Algérie, avec L’Art français de la guerre (Alexis Jenni, 2011)… Ajoutons qu’avec Nicolas Mathieu, Actes Sud engrange son troisième prix Goncourt en quatre ans. Or pas un seul des jurés n’émarge chez cet éditeur. On pourra y voir une rupture salutaire avec une certaine « cuisine des prix » qui a parfois prévalu sur les considérat­ions littéraire­s et a longtemps collé aux basques des dix couverts de Drouant. Oui, cette année, « Tonton Edmond » et « Tonton Jules » peuvent être fiers de « leurs » jurés.

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