L'Express (France)

A l’eau, quoi !

- M. P.

Laurent Joffrin est parti sur les traces de la flotte espagnole défaite par la Royal Navy au xvie siècle. Un récit plein de sel. L’écrivain, journalist­e et marin a passé une bonne centaine de jours sur Pleg Mor, son sloop de 11 mètres, dans le sillage de l’invincible Armada, qui prit la mer durant l’été 1588 pour aller renverser les Tudor protestant­s et leur reine Elisabeth i. A l’instar d’un Sylvain Tesson parti sur son side-car pendant l’hiver 2012 sur les traces des grognards de Napoléon, le patron de Libération a enchaîné les bords, de la Manche à l’Atlantique en passant par la mer du Nord, une escapade de quelque 1000 miles.

il est vrai que le moussaillo­n Joffrin aime autant la mer, « qui l’apaise », que l’Histoire, « son violon d’ingres ». Et quoi de plus emballant que cette folle épopée espagnole, forte de 130 navires et de 15000solda­ts et marins (la « plus grande flotte jamais assemblée »), partie mater les Anglais réformés? Une véritable ville flottante prête à affronter la Royal Navy, qui, avec ses 80 galions, aurait dû, en toute logique, baisser pavillon. Et pourtant… Le 22 septembre 1588, seuls 60 navires espagnols en piteux état, rescapés d’une effroyable hécatombe, rentrèrent au royaume de Philippe ii. Notre skipper, lui, est revenu sain et sauf, non sans avoir subi quelques avaries, histoire de narrer avec verve et dans le détail cette extraordin­aire expédition, entrecoupé­e d’échappées belles sur l’évolution des phares, des cartes, des canons, des brûlots, de la météorolog­ie; et les progrès fulgurants de la voile. Laurent Joffrin semble avoir tout lu, tout digéré. L’auteur des Grandes Batailles navales (Seuil, 2005) tient bon la barre, évitant aussi bien les lourdeurs historique­s que les arguties stratégiqu­es. Et démarre avec maestria par la présentati­on des équipages, avec, à la tête de l’Armada, le duc Medina Sidonia, qui n’a guère le pied marin et « n’a jamais commandé le moindre navire » ; et, en figure de proue de la Royal, Francis Drake, le célèbre pirate, « le plus grand marin vivant ». A ce déséquilib­re patent vont s’ajouter les valeureux Gueux hollandais, qui retardent les troupes du duc de Parme, censées rejoindre l’Armada pour remonter l’estuaire de la Tamise et marcher sur Londres. « C’est la réplique de David et Goliath, commente Joffrin, le petit peuple opiniâtre qui se bat. » Et puis, ultime fatalité, il y a le vent, « destructeu­r de royaume »… « Le gouverneur de l’Ouest, expliquet-il, pousse l’Armada vers l’Ecosse, la condamnant à faire le tour des îles britanniqu­es par inverness, la ville de Macbeth. » Ainsi commence la tragédie, le calvaire des galions de Medina Sidonia qui s’achèvera en irlande, cimetière de l’Armada. « Cette défaite a changé le cours de l’histoire, conclut Joffrin. Sans elle, l’Europe aurait été totalement catholique. La mer gouverne la terre! » Parole de marin.

DANS LE SILLAGE DE L’INVINCIBLE ARMADA

PAR LAURENT JOFFRIN. PAULSEN, 192 P., 19,50 €.

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Septième Jour de la bataille avec l’Armada, le 7 août 1588, huile sur toile, par Hendrick Cornelisz Vroom.

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