L'Express (France)

Attaque/défense

- LE CHOIX CINÉ D’ÉRIC LIBIOT

Charges au mortier, tirs à vue, envoi de grenades, assauts meurtriers. Présentées en compétitio­n à Cannes, Les Filles du soleil, d’Eva Husson, ont été victimes d’un assassinat quasi général de la part de la presse, surtout française. Il n’est pas rare que, sur la Croisette, un film se fasse découper en morceaux à cause d’une météo capricieus­e ou d’une véritable sincérité critique. Souvent un peu des deux, d’ailleurs, car, là-bas, tout prend des proportion­s énormes et déraisonna­bles – j’ai probableme­nt participé à quelques hallalis. Le Festival de Cannes est une caisse de résonance parfois déformée qu’il faut savoir remettre d’aplomb avec le temps.

Les Filles du soleil dressent le portrait d’un groupe de combattant­es kurdes parties libérer une ville tenue par Daech ; une journalist­e française les suit pour témoigner et s’y mêlent vie entre deux attaques, scènes de combat, ode à la liberté, désirs et désillusio­ns, flash-back sur ces femmes aux mains des islamistes… C’est beaucoup. C’est sans doute trop. Mais, si le film n’est pas le chef-d’oeuvre qu’il ne prétend pas être, il ne mérite pas d’avoir été cloué sur le tapis rouge. On ne sait jamais trop ce qui se passe dans ce bruissemen­t critique transformé soudaineme­nt en cri de rage. Eva Husson avait été soutenue pour son premier long-métrage,

Bang Gang, que je n’aime pas beaucoup, et semblait symboliser une parole singulière de la part d’une cinéaste ; parti pris assumé ici avec ce film de guerre, genre essentiell­ement masculin.

L’ambition artistique et la prise de risque de ces Filles du soleil n’ont pas été considérée­s à leur juste mesure et pourtant il y a du cinéma, du romanesque, du brutal et de l’émotion ; des erreurs aussi – les flash-back déséquilib­rent le film qui aurait dû s’en tenir à un récit plus simple. Mais jamais, non jamais, il ne doit être balancé aux orties avec cette violence quand tant de films au nombril surdimensi­onné sont encensés. Le romanesque est définitive­ment mal vu par cette presse, qui n’aime pas se faire prendre par la main ni par le bout du nez, et encore moins quand elle est à Cannes. C’est aussi définitive­ment idiot.

Difficile de savoir si Les Filles du soleil vont trouver un peu de ciel bleu dans les salles, les retourneme­nts de veste n’étant pas si fréquents (quoique), mais il faut leur donner leur chance.

LES FILLES DU SOLEIL

D’EVA HUSSON. 1H51.

14/20

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