Qui peut sauver l’Europe?
Il a déferlé contre le premier président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, tant d’outrages qu’on hésite à remémorer celui de l’eurosceptique britannique Nigel Farage. Le 24 février 2010, il avait invectivé publiquement ce grand serviteur de l’Europe en lui reprochant d’« avoir le charisme d’une serpillière humide ».
Un philosophe politique, le Néerlandais Luuk van Middelaar, plume de Van Rompuy au Conseil entre 2010 et 2015, offre la tentative la plus aboutie de répondre à cette vulgate europhobe : Quand l’Europe improvise. Coopté au coeur du vrai réacteur nucléaire de l’UE (le Conseil européen), van Middelaar a été le témoin privilégié – et un peu l’acteur, aussi – du moment historique entamé avec le mégaséisme économique de 2008, au cours duquel l’Europe a été obligée de « prendre son destin en main ». Qu’est-ce à dire? Crise après crise (Lehman Brothers, la Géorgie, la banqueroute grecque, etc.), nous observons l’affirmation progressive par les Vingt-Sept de leur « vouloir être » face à un monde ensauvagé qui ne les attend pas et qui, souvent, souhaite leur faillite (Poutine, Trump).
Ce moment de grâce, fragile et réversible, cet avènement à l’existence, cet éveil, van Middelaar le nomme « le moment machiavélien » de l’Europe. Pas de chance pour les Europe bashers qui, tel le néoconservateur Robert Kagan, s’obstinent à condamner l’UE à rester éthérée et donc insignifiante : confrontée à une suite de tremblements de terre de magnitude 7, cette entité politique a su, au contraire, faire face. En renonçant à l’innocence, mais pas à ses valeurs. Reste, bien sûr, à savoir si ce réatterrissage dans l’Histoire va se poursuivre, et si les dirigeants actuels – Macron? – vont parvenir à inscrire dans la chair des relations internationales la souveraineté européenne.
Quand l’Europe improvise, par Luuk van Middelaar. Gallimard/Le Débat.