ET LA MARIÉE FERMA LA PORTE
PAR RONIT MATALON, TRAD. DE L’HÉBREU
PAR LAURENCE SENDROWICZ. ACTES SUD, 144 P., 15,80 €.
16/20
Barricadée depuis cinq heures dans la chambre familiale, Margui finit par lancer derrière la porte :
« Pas de mariage. Pas de mariage. Pas de mariage. » Sidération dans le couloir où poireautent son futur époux, son neveu, sa grand-mère et sa mère. Les noces doivent avoir lieu le jour même,
500 invités sont attendus et la reine du bal annule les festivités. Avant de retomber dans le silence, sans plus d’explications. Alertés, les parents du fiancé déboulent. La panique grimpe au lustre. Les personnages s’entrechoquent comme dans une pièce de boulevard, plus burlesques les uns que les autres. Le neveu Mochet s’attife d’une ceinture tortillée en fleur autour de la tête, la maman de Margui a le brushing en déconfiture, le père du presque marié serre et resserre fébrilement son tensiomètre dont il note les résultats, tandis que sa femme songe avec désespoir aux sommes investies pour rien dans la cérémonie. Et ça discutaille, s’écharpe, court dans tous les sens, les tenues chics flanquées aux orties. Comme dans une comédie italienne, excepté que cette petite folie, ce p’tit grain de fantaisie se situe en banlieue de Tel-Aviv. Mais la satire sociale pointe pareillement du nez sous les fanfreluches guillerettes de la novella, éventées de parenthèses narquoises. Conflits de classes et de mentalités glissés dans la pagaille. Qu’un Palestinien appelé à la rescousse se pointe et la riche belle-doche de la promise s’offusque sur l’air de « Ciel un Arabe! » Lequel est emmené par les flics. Normal. ou pas. Ronit Matalon, figure majeure de la littérature israélienne disparue en 2017, expose les contradictions de son pays en quelque 142 pages de pétulance surette. L’amour inconditionnel en guise de clef capable d’ouvrir les portes les plus closes.