Faux retour au calme sur le Golan
Avec la reconquête du Sud syrien par l’armée d’Assad, l’Etat hébreu s’inquiète de la présence iranienne à ses portes.
e l’autre côté de la frontière, protégée par une clôture en fer et des tranchées antichars remontant à la guerre israéloarabe de 1973 (Kippour), le drapeau syrien flotte de nouveau. Quelques mois plus tôt, c’était ceux de groupes rebelles et djihadistes que l’on apercevait au loin. Ici, à Kuneitra, sur la partie du Golan occupée depuis 1967 par Israël, qui l’a annexée en 1981, en violation du droit international, nous sommes sur l’unique point de passage entre les deux pays.
Quatre ans après sa fermeture, il a été rouvert, en octobre, uniquement pour la Force des Nations unies chargée d’observer le désengagement (Fnuod). Celle-ci a pour mandat de veiller au respect du cessez-lefeu entre Israël et la Syrie. Les casques bleus ont réinvesti leur base et patrouillent – seulement deux heures par jour, pour l’instant. La communauté druze, à cheval sur les deux pays, attend avec impatience de pouvoir de nouveau envoyer ses jeunes étudier à Damas et y vendre ses pommes.
Voilà près de quatre décennies que Syriens et Israéliens se regardent en chiens de faïence sur ce plateau long de 55 kilomètres. Selon les termes du cessez-le-feu signé en 1974, la zone de
DKuneitra est démilitarisée. Un calme relatif y a régné jusqu’à ce que les rebelles prennent le contrôle des régions syriennes limitrophes, en 2014.
L’ÉQUILIBRE DES FORCES A CHANGÉ
Le mont Bental, qui culmine à 1 171 mètres d’altitude, offre un panorama splendide de cette vaste plaine syrienne, située à une cinquantaine de kilomètres de Damas. Cet ancien volcan est curieusement resté ouvert aux touristes, qui pouvaient voir la guerre en direct en mangeant des pizzas. « Ils avaient un goût macabre du divertissement, c’était assez surréaliste », confie un diplomate. « L’armée de Bachar el-Assad et les rebelles étaient si proches qu’on les voyait s’affronter », raconte Sarit Zehavi, ancienne lieutenant-colonel de l’armée israélienne (Tsahal), qui dirige aujourd’hui le think tank Alma.
Cet été, les troupes d’Assad, appuyées par la Russie, l’Iran et le Hezbollah chiite libanais, ont repris le contrôle du Sud syrien, dont la quasitotalité de la province de Kuneitra. Ce qui semble convenir à Israël. « La situation revient à celle qui prévalait avant la guerre civile, c’est-à-dire qu’on sait à qui s’adresser : il y a un responsable, il y a un pouvoir central », a déclaré, en juillet, Avigdor Lieberman, alors ministre de la Défense. Un diplomate israélien décrypte : « Toute attaque venue du côté syrien déclencherait une réplique immédiate de notre part contre le régime de Damas. »
Pour l’heure, la réouverture du point de passage de Kuneitra témoigne de la volonté partagée de revenir au statu quo d’avant 2011. Toutefois, depuis lors, l’équilibre des forces a changé. « Bachar el-Assad doit sa survie à ceux qui veulent s’en prendre à Israël », complète le diplomate. « Ce n’est plus seulement le régime de Damas et son armée que nous avons en face, mais l’Iran et ses milices chiites », s’inquiète Sarit Zehavi. Cette femme énergique raconte que, lorsque les sirènes ont de nouveau retenti sur le plateau, en mai dernier, « [elle a] eu neuf secondes pour conduire [ses] filles dans un abri ».
Ce 9 mai, dans la soirée, une vingtaine de roquettes attribuées pour la première fois à la force iranienne AlQods ont visé directement des positions de Tsahal sur le Golan. Quatre ont été interceptées par le système de défense antiaérien Dôme de fer; les autres n’ont pas franchi la frontière. L’Etat hébreu a répliqué le lendemain en bombardant une cinquantaine de cibles présentées comme des infrastructures iraniennes en Syrie. Une escalade sans précédent. Deux mois plus tard, un drone venu de Syrie a été abattu par un missile israélien. Puis, les avions de Tsahal ont frappé trois positions de l’armée loyaliste, dont un site du Hezbollah. Signe que le plateau n’est plus la « frontière silencieuse » qu’il fut.
Pour Israël, le Golan, qui surplombe le lac de Tibériade, la plus grande réserve d’eau du pays, est stratégique. Au moins autant que la Galilée voisine, en face du Liban tenu par le Hezbollah. Mais moins que la bande de Gaza, où règne le Hamas. Depuis un an environ, l’enjeu a évolué : il ne s’agit plus d’empêcher l’Iran d’envoyer des armes à la milice libanaise, mais de lui interdire coûte que coûte d’installer en Syrie la moindre