Un monde drogué à la dette
rashed, d’Adam Tooze, est le récit minutieux des soubresauts de l’économie mondiale depuis 2008. L’auteur est un historien britannique reconnu. Son livre, dont on doit saluer la qualité de la traduction en français, est construit, comme tout travail universitaire en histoire, en s’appuyant sur des documents et non sur d’éventuelles rencontres avec les acteurs. Partant des Etats-Unis en 2007, il parcourt le temps et le monde avec une idée forte : les crises à répétition suscitées par les faillites en cascade des banques – Lehman Brothers – et des assurances américaines – AIG –, par les menaces de banqueroute de certains pays européens – la Grèce, le Portugal ou la Hongrie – et par le surendettement des entreprises asiatiques – dont les conséquences négatives sont encore à venir – ont toutes une cause unique. Il s’agit du développement sans limite du crédit et de l’accroissement des dettes sans contrepartie réelle.
Pour Adam Tooze, l’abandon dans les années 1970 de l’or et de la discipline qui accompagnait son utilisation comme référence monétaire a entraîné l’économie mondiale dans une fuite en avant suicidaire. Pendant un certain temps, économistes et décideurs ont cru que le principal problème qui en découlait serait l’inflation. Ils ont confié à la banque centrale le soin de la contenir, ce qu’elle a fait efficacement. Mais cela n’a fait qu’occulter la réalité d’une finance débridée ne trouvant son retour à une forme d’équilibre que dans la faillite de pans entiers de l’économie. Même si pour y faire face, on a fait là encore appel aux banques centrales, celles-ci ont montré leurs limites. L’auteur appelle donc les responsables du G20 à se mettre à l’oeuvre sans tarder pour fixer les règles qui ramèneraient une forme de discipline, à l’image de ce que fut celle de l’étalon-or.
CCRASHED, PAR ADAM TOOZE.
LES BELLES LETTrES, 768 P., 25,90 €.