« L’économie positive nous libère du court terme »
Les politiques peinent partout à réformer. Jacques Attali appelle à une mobilisation planétaire des sociétés civiles. Explications.
’économiste, fondateur de l’ONG Positive Planet et chroniqueur à L’Express, publie le fruit d’une consultation de 50 000 citoyens du monde entier*. Résultat ? 20 solutions concrètes pour changer – et réparer – le monde ont été présentées le 20 novembre, à Paris, lors du forum tenu par son ONG, en présence d’invités du monde entier et du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Interview.
Ll’express Une révolution positive destinée à concerner 7 milliards d’individus peut-elle sérieusement naître de la cogitation de 50 000 personnes, même remarquables ?
Jacques Attali On pourrait citer des dizaines d’exemples où l’idée d’une seule personne a balayé les univers anciens. En 1789, il n’a pas fallu grand monde pour mener la Révolution française.
Donc, non! Le nombre n’est en rien déterminant : il n’est pas le critère. A ces
50 000 citoyens il faut d’ailleurs ajouter tous ceux qui, déjà, pratiquent l’économie positive sans le savoir.
Les Monsieur Jourdain de l’économie positive…
J. A. Si vous voulez ! Au fond, on a donné un nom à une réalité existante et regroupé sous une même ombrelle toutes les initiatives et actions destinées aux générations futures. Pour autant, notre plus vaste combat reste idéologique : démontrer que travailler pour les générations futures, c’est la meilleure façon de travailler pour soi-même. Et ce n’est pas intuitif ! Progressivement, nous fédérons les hommes et les femmes engagés et faisons en sorte d’être entendus par le plus grand nombre.
Vous écrivez, avec les experts de Positive Planet : « L’humanité a pris conscience de l’épuisement des ressources naturelles. » Pourtant, alors que WWF s’inquiétait il y a quelques jours de la disparition des animaux sauvages, les gilets jaunes déferlaient dans les rues pour contester l’augmentation du prix du diesel. N’est-ce pas contradictoire ?
J. A. Sans entrer dans la polémique, je resterais prudent sur l’extinction des espèces, qui est assez contestée par un certain nombre d’experts. Dans tous les cas, c’est un signal d’alarme. Il faut agir comme si c’était absolument certain. Et il faut le prendre au sérieux pour préserver la biodiversité, essentielle à un monde durable. En ce qui concerne les gilets jaunes, comment ne pas comprendre que, pour 40 % des Français qui n’ont accès à aucun transport public, le diesel soit absolument vital ? La question est d’assurer un équilibre entre le penser urgent et le penser positif. Penser urgent, c’est maintenant, et penser positif, c’est penser pour les générations futures.
Chaque année, vous publiez avec l’OCDE un indice de positivité qui calcule la prise en compte des générations futures dans la mise en oeuvre des politiques publiques. Si la France est remontée de la 18e à la 17e place, juste après les Etats-Unis, comment expliquer son rang plutôt moyen ?
J. A. Sans surprise, les pays scandinaves et l’Islande maintiennent leur position en tête de ce classement. La société française reste, elle, minée par la faiblesse de ses infrastructures, par les discriminations faites aux femmes, par le poids de la dette publique et, surtout, par l’absence de mobilité sociale…