L'Express (France)

De la résignatio­n à la résolution

Contre le scepticism­e politique et l’atomisatio­n des intérêts, l’auteur prône une mobilisati­on autour d’un dessein commun.

- Par Bernard Spitz

Il y a quelques années, une couverture du magazine Time représenta­it une statue de George Washington essuyant une larme sous le titre : « Is government dead ? » A quand une Marianne de plâtre sanglotant à la Une de L’Express et se demandant à son tour si le gouverneme­nt de notre pays n’est pas désormais une idée morte ?...

Le sentiment d’impuissanc­e générale et la spirale du renoncemen­t qui en résulte ne sont pas pour rien dans la démoralisa­tion collective. Notre capacité de sursaut existe pourtant : le peuple français l’a montré à diverses reprises au cours de son histoire. Récemment encore, le succès de grands essayistes, l’exigence de responsabi­lisation des élites, l’aspiration au changement exprimée lors de la dernière élection présidenti­elle, voire l’engouement suscité autour de la mémoire d’André Malraux ont donné des signes d’attente d’une nouvelle donne civique.

l y a urgence, car la perpétuati­on du marasme actuel ne peut conduire qu’à l’impasse et au renforceme­nt de la démagogie extrémiste. La société s’atomise, chaque groupe restant replié sur sa propre citadelle d’avantages acquis. La dégradatio­n des comptes de l’Etat se poursuit malgré une pression fiscale découragea­nte. Le chômage augmente, particuliè­rement chez les jeunes, structuran­t une société de plus en plus duale. Quant au cortège des « affaires », il continue à s’égrener, lentement mais sûrement…

La nécessité d’une telle adaptation, en temps de paix, ne rappelle qu’un seul précédent dans l’histoire contempora­ine : celui de 1929. Sur fond de chômage massif et de discrédit de l’appareil d’Etat, il avait fallu à l’Amérique le New Deal de Roosevelt pour

Imener à bien son redresseme­nt économique, social et moral. Dans un contexte certes différent, c’est bien d’un effort et d’une mobilisati­on semblables que nous avons besoin. Avec des « grands travaux », pour remettre les Français au travail; une gestion publique rénovée en profondeur, pour éviter la faillite du contrat social ; l’appui de la société civile, pour tisser les fils d’un meilleur arbitrage des conflits ; la restaurati­on d’une morale civique, pour redonner un sens à la notion d’intérêt général ; et la force d’entraîneme­nt d’un discours réconcilia­nt compétence, volonté d’être et idéal. Car si, en politique, ce qui compte tient plus dans ce qui est fait que dans ce qui est dit, la méthode pour le faire et la façon de le dire sont essentiell­es pour susciter l’adhésion autour d’un dessein commun. […]

l n’y a pas de fatalité au statu quo. Réussir à faire passer un maximum de Français de l’« A quoi bon ? » au « Ça en vaut la peine », de la résignatio­n individuel­le à l’ambition collective, du scepticism­e politique au romantisme démocratiq­ue, tel est bien l’objectif de la rénovation à entreprend­re.

Ce fut en partie le débat d’une élection. C’est désormais l’enjeu de toute une génération : sommesnous capables de faire changer la société française sans que l’élan réformiste soit laminé par l’alliance de la bureaucrat­ie, de la politique partisane et des intérêts particulie­rs ? Question qui suppose une prise de conscience intellectu­elle et morale, prélude à une inévitable recomposit­ion politique. Faute de quoi notre grand dessein à l’aube de l’an 2000 se résumera à la devise de la vieille Letizia Bonaparte : « Pourvu que ça dure ! »

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