G20 : LA SOLITUDE PLANÉTAIRE D’EMMANUEL MACRON
Ses débuts furent si prometteurs qu’on était en droit de s’attendre à une nouvelle donne pour la France. Après tout, au milieu des ruines du multilatéralisme subsistaient de beaux restes ; il existait un chemin étroit, dont Emmanuel Macron pouvait devenir l’éclaireur sur la scène mondiale. La carte méritait d’être jouée, et le dynamique président a su, un temps, laisser penser qu’il pouvait écarter les murs. Or, en plusieurs circonstances, et le G20 de Buenos Aires en est une démonstration de plus, il est apparu évident que l’espace de respiration s’était refermé. L’Amérique a repris la main sur le rythme du monde.
Deux fois, à la tribune des Nations unies, Macron a pris la parole après le maverick américain pour chasser les miasmes de l’unilatéralisme tonitruant et défendre sa propre voie, la seule qui laisse une petite place à son pays, et à l’Europe. Las ! après avoir joué la carte de la complicité compétitive avec Donald Trump et tenu la dragée haute à Vladimir Poutine, il doit déchanter.
Dans cette nouvelle phase, qu’il affronte bien seul, il se heurte à la dure réalité d’un monde qui a perdu toutes ses illusions en matière de multilatéralisme, tandis que les sirènes des régimes autoritaires rencontrent un écho grandissant. Pire encore, les humeurs changeantes de Donald Trump, ses foucades, ses déclarations contradictoires (face à la Chine, à la Russie, à l’Union européenne, à l’Arabie saoudite…) reviennent à faire dépendre l’ordre du monde d’un seul homme, au profil fantasque, ce qui relativise fortement l’importance des cercles d’experts ou de sherpas, ces grands manitous chargés des communiqués lénifiants à l’issue des rencontres internationales.
On se souvient de la façon dont Trump avait renié le communiqué final du G7 de La Malbaie (Canada), en juin… Par ses affirmations intempestives et ses prises de position imprévisibles, il est devenu le sujet central, paradoxalement déterminant, des relations internationales dont il n’a cure, le facteur de stress des cénacles diplomatiques. De ce très triste point de vue, l’Amérique a repris la main sur le rythme du monde, mais dans une version de déconstruction. Macron s’est-il donc tant trompé? A la vérité, son intuition initiale reste juste. Mais deux éléments essentiels lui font défaut.
D’abord, l’Europe, cruellement absente, ou disparate, alors qu’il compte sur elle pour étayer sa stratégie planétaire. Isolée, la France ne peut rien. Seul un Vieux Continent uni, à supposer qu’il puisse être rassemblé derrière le président français, serait susceptible de peser suffisamment pour faire contrepoids aux outrances de Trump, aux provocations de Poutine (déterminé, comme il vient encore de le démontrer en mer d’Azov) et aux rodomontades des grands leaders « illibéraux » (Xi Jinping, Narendra Modi…). Son bref échange avec le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, en marge du G20 de Buenos Aires, est une illustration de l’étroitesse et de la fragilité de la position française face aux dérives du régime saoudien.
Ensuite, Macron ne peut compter sur aucun leader planétaire majeur qui, issu des anciens pays émergents, se montrerait franchement convaincu de l’avenir du multilatéralisme. Il manque objectivement d’appuis dans le reste du monde à l’heure où le Brésil s’en remet à son nouveau président populiste, où le chef d’Etat turc se révèle incontrôlable, où le nouveau président du Mexique n’offre pas de certitudes (voir page 66). A l’opposé, Macron ne trouve que des tenants d’un chacun pour soi qui achève de faire le jeu de l’unilatéralisme. D’autant qu’il n’a cessé dans ses discours de cristalliser les deux blocs, progressistes (avec luimême comme héraut) contre nationalistes (la « lèpre »), laissant ainsi un fossé se creuser.
C’est là que le bât blesse ; car presque rien dans l’ordre du monde ne va dans le sens voulu par Macron.
A la vérité, deux éléments essentiels font défaut à son intuition initiale