L'Express (France)

MOSCOU RÉINVESTIT L’AFRIQUE

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failli de naissance, aux entrailles farcies çà et là de diamants, d’or et d’uranium, pactole largement inexploré et dont les infortunés citoyens – 4,5 millions d’âmes, dont 2 millions de réfugiés ou déplacés – n’ont jamais vu la couleur.

A propos de couleurs, ce constat : seul l’ordonnance­ment de celles du drapeau du tuteur a changé. Après le bleublanc-rouge de gauche à droite, place au blancbleu-rouge de haut en bas. Laboratoir­e ? Tête de pont? Si l’entrisme russe relève aussi de l’effet d’aubaine, il trahit la permanence d’une ambition d’envergure continenta­le, un temps anéantie par le naufrage de l’URSS. Bangui apparaît ainsi comme la pointe émergée d’un iceberg géopolitiq­ue de belle taille. De la Guinée-Conakry à l’Ethiopie, du Burkina Faso au Zimbabwe et à l’Angola, Russia is back (voir la carte ci-dessus).

Mieux vaut ne pas se fier à la modestie des données officielle­s. Par la grâce de la dérogation consentie par l’ONU à l’embargo sur les ventes d’armes à la RCA, Moscou a livré au début de cette année un robuste arsenal – du pistolet Makarov au canon anti-aérien, de la kalachniko­v au lance-roquettes – et dépêché sur place 175 instructeu­rs : 5 officiers et 170 civils. « Nous attendons le feu vert pour faire venir un renfort d’une soixantain­e de formateurs », précise Victor Tokmakov, premier conseiller de l’ambassade de la Fédération de Russie en Centrafriq­ue. Chiffre minimalist­e : l’effectif réel flirtait à la mi-novembre avec les 400. « La logique voudrait qu’il dépasse à moyen terme le millier », avance un diplomate ouest-européen.

La logique ? Celle que suggère la cartograph­ie de la présence russe sur un territoire plus vaste que la France, dont 80 % échappent à l’autorité aléatoire du chef de l’Etat, Faustin-Archange Touadéra, alias « FAT », élu en 2016 à la faveur d’une accalmie précaire. Là encore, Moscou tend à minimiser son implantati­on. Hormis Berengo et Bangui, les services de renseignem­ent occidentau­x recensent une douzaine de lieux où des détachemen­ts restreints – une vingtaine d’hommes en moyenne – ont posé leur barda. Postes avancés que ravitaille­nt des escouades de camions bâchés, venus d’ordinaire du Soudan, escortés par les porte-flingues de l’une ou l’autre faction issue de la coalition musulmane Seleka, rébellion au pouvoir de mars 2013 à janvier 2014.

« Et cette carte-là épouse fidèlement celle des concession­s minières les plus prometteus­es », glisse-t-on au Quai d’Orsay. Pas faux. Reste que Paris a, par excès de candeur, accéléré l’irruption du rival. C’est sur les conseils de l’Elysée que Touadéra s’en alla plaider à Moscou pour la levée du veto du Kremlin à la fourniture par la France d’une cargaison d’armes saisie en mars 2016 au large de la Somalie. Flairant le bingo, ses hôtes se sont empressés de lui ouvrir leur armurerie, raflant ainsi la mise. Le plantigrad­e dans la bergerie…

« DES COSTAUDS ÉQUIPÉS COMME DES GUERRIERS »

Le « civil » russe a une allure plutôt martiale. « En mai, note un cadre de la Minusca – la Mission des Nations unies en RCA –, on a vu débouler à Bria (centre) de 30 à 40 costauds équipés de pied en cap comme des guerriers, venus monter une clinique de campagne. » Normal : la plupart des pseudo-coopérants oeuvrent pour le compte de deux boîtes de sécurité privées : Wagner, milice précédée d’une sulfureuse réputation, et Sewa Security Services, société de droit centrafric­ain fondée en novembre 2017. Les mercenaire­s de la nébuleuse Wagner ont sévi dans le Donbass ukrainien,

 ??  ?? Souvenirs Jean-Bedel Bokassa, alors président, reçu en 1970, à Moscou, par Nikolaï Podgorny, président du praesidium du Soviet suprême.
Souvenirs Jean-Bedel Bokassa, alors président, reçu en 1970, à Moscou, par Nikolaï Podgorny, président du praesidium du Soviet suprême.

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