“REVENONS SUR L’ISF”
Bombe des inégalités sociales, bombe écologique, bombe démocratique... Le chef de file de la CFDT tire la sonnette d’alarme.
Cornerisé comme les autres syndicats depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, le patron de la première centrale syndicale de France revient au coeur de l’actualité, poussé – c’est un paradoxe – par le mouvement des gilets jaunes. Sa main tendue au gouvernement pour construire un « pacte social de la conversion écologique », d’abord rejetée, rencontre aujourd’hui un écho favorable. Pouvoir d’achat, transition écologique, dialogue social… « Il y a urgence à répondre aux situations concrètes des Français », affirme-t-il. Sera-t-il entendu ?
L’express Le mouvement des gilets jaunes qui a débuté hors des organisations syndicales révèle-t-il votre difficulté, voire votre incapacité à « sentir » le terrain ?
Laurent Berger C’est totalement faux! Cela fait des mois que nous alertons le gouvernement sur le malêtre social, sur les difficultés du pouvoir d’achat liées à la précarité, à la faiblesse des salaires et à des déroulements de carrière dans la fonction publique qui sont parfois bloqués. Cette colère révèle également une fracture territoriale profonde, avec dans certains endroits une fuite des services publics. Tout ça, nous le dénonçons depuis longtemps. Je n’ai cessé d’alerter le gouvernement sur l’absence de politiques sociales assumées. L’exécutif a souhaité avoir une relation directe avec le peuple sans passer par les corps intermédiaires. Or ça ne marche pas. Le jeu dangereux auquel il a joué lui revient aujourd’hui en boomerang.
Vous affirmez vouloir redonner du sens à la transition écologique. Le gouvernement a-t-il raison de rester « droit dans ses bottes » sur la hausse de la taxe carbone ?
L. B. Arrêtons là aussi de jouer ! Nous sommes face à un enjeu de survie de l’humanité. N’oublions pas les conclusions alarmantes du rapport du Giec (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), parues il y a tout juste un mois ! C’est notre point de départ. Il faut un pacte social autour de cette transition écologique. Cela veut dire que nous ne pouvons pas transiger avec cette ambition. En revanche, nous devons revenir sur les allègements d’impôts accordés aux plus hauts revenus en début de quinquennat et qui empêchent aujourd’hui de réduire les inégalités sociales, et considérer l’impact négatif de la hausse des taxes sur les carburants pour ceux qui ne peuvent se passer de leur voiture. Cette taxe carbone a pour vocation à faire évoluer les usages de l’automobile mais nombre de salariés n’ont pas d’alternative. La CFDT veut mettre en place un vraie prime transport et soutenir les plans de déplacement en entreprise. Pour cela, nous devons trouver des ressources. Revenons sur les choix fiscaux effectués depuis deux ans.
“10 % de la population détient 50 % du patrimoine dans ce pays”
Vous souhaitez donc revenir sur la suppression de l’ISF ?
L. B. Oui, mais pas seulement. Nous demandons une tranche d’imposition supplémentaire sur les hauts revenus et un relèvement des droits de successions sur les gros patrimoines. Après tout, 10 % de la population détient 50 % du patrimoine dans ce pays.