L'Express (France)

ENQUÊTES DE VÉRITÉ

Certains auteurs de polars, comme Winslow, Norek ou Thilliez, mènent l’enquête pour trousser des romans réalistes. Pas si simple.

- PAR SANDRA BENEDETTI ILLUSTRATI­ONS : DAVID LANASPA

Ils turbinent comme des privés à l’ancienne. A pinces sur le bitume, quinquets à l’affût. De mèche avec les policiers et les canailles, les reporters et les toubibs. Mais regardants sur la qualité de leurs indics. Question de réputation. Ils cherchent la vérité au fond du crime. « Ils », ce sont de célèbres auteurs de polars. Des purs et durs, fichus d’investigue­r six mois ou cinq ans avant d’écrire une ligne. Aller sur le terrain, y a que ça de vrai pour que leurs bouquins sentent sous les bras, dégobillen­t d’humanité moulue. Même si ce n’est pas du millefeuil­le tous les jours de se pendre aux basques des flics et des zonards. A jouer les Nestor Burma, ils en voient des vertes et des pas blettes. Qu’ils gardent pour eux. S’agit de montrer patte de velours pour qu’ils racontent. Sauf s’ils ont vécu un truc rigolo ou émotionnan­t. Et encore, ils restent flous. C’est pas de la tarte à cuisiner, ces spécimens-là, on vous fera dire.

Le crack du genre est Don Winslow. Vingt ans qu’il crawle dans la fange au nom du réalisme. Pour Corruption, son nouveau roman sur une unité d’élite véreuse, il a patrouillé en gilet pare-balles à Harlem avec des officiers de police. « C’était tendu, on a eu droit à des insultes et à des doigts d’honneur. On n’a mangé que du préemballé parce que les gens crachent ou pissent, voire pire, dans la bouffe des flics de leur quartier. On le sait parce qu’ils le disent. Après. Puis on a coursé un voleur dans les tunnels du métro, en zigzaguant entre les trains qui roulaient à toute blinde. C’était étrange et excitant. » Il a aussi écouté une ex-légende des homicides évoquer ses cas de meurtres d’enfants, trois en six semaines, il y a vingt ans. Un gars comac. Une montagne. Encore traumatisé, en larmes. Et Winslow, sous l’eau aussi ? « Oh, j’en avais entendu d’autres », souffle-t-il, les yeux embués. Pour La Griffe du chien et Cartel, le modus operandi était plus épineux. A force de frayer avec des toxicos et des dealers torves, l’écrivain a appris à repérer les voies de secours, prêt à décarrer au moindre grabuge. « Ça m’est arrivé de décamper. » Fermeture des écoutilles.

DES SOUVENIRS QUI FONT DES NOEUDS DANS LA GORGE

La quête de l’authentiqu­e, ça claque, mais ça peut flanquer une frousse bleue. Comme voir un cadavre à la découpe. Son unique percée dans une salle d’autopsie, le père de Sharko et d’Hennebelle s’en rappelle : « Je suis sorti, c’était trop rude. » Depuis,

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