Baba de bébé
Avec Jeanne Herry risquait un mélo démago sur l’adoption. Au contraire, son film intelligent émeut. Décryptage.
On ne citera pas les noms, mais ces journalistes, réputés pour avoir la dent dure, n’en menaient pas large à la fin de la projection de presse de Pupille*. La lumière rallumée, ils étaient tous en larmes, le visage ravagé par l’émotion. C’est rare. Exceptionnel, même. Comme le film de Jeanne Herry, qui raconte le chemin parcouru par Théo, bébé né sous X, et Alice (Elodie Bouchez), qui se bat depuis dix ans pour adopter un enfant, avant que les deux ne se rencontrent enfin.
Sur un sujet pareil, Jeanne Herry prenait un sacré risque. Plutôt encensée pour son premier long-métrage, Elle l’adore (2014), elle se savait attendue au tournant. Le public aimant brûler ce qu’il a adoré, elle aurait été mise au bûcher si elle avait cédé à une démagogie sentimentaliste. Ce ne sera donc pas le cas. Ovationné après chaque avant-première, Pupille va accumuler les nominations aux Césars. La réalisatrice n’aura que ce qu’elle mérite. Pour accoucher de sa merveille, elle a travaillé dur.
Des mois de recherches, de rencontres, avant de passer un an à écrire le scénario… Le projet l’a littéralement happée, engloutie. « Un journaliste m’a fait remarquer qu’il était amusant qu’une femme née sous les projecteurs s’intéresse à l’accouchement sous X », déclare-t-elle en prenant son petit déjeuner. Précision d’importance : Jeanne Herry est la fille de Miou-Miou et de Julien Clerc. L’ascendance peut aider mais la cinéaste n’est pas du genre à aller vers la facilité. Par exemple, après Elle l’adore, elle aurait très bien pu céder aux sirènes d’imposantes sociétés qui lui proposaient de grosses comédies, ou même de prendre les rênes d’une série internationale consacrée aux marchands d’armes. Au lieu de cela, elle a tenté d’adapter Le Quai de Ouistreham, de Florence Aubenas, avec son actrice fétiche, Sandrine Kiberlain, sans réussir à en obtenir les droits. Elle a également mis en scène une pièce de théâtre, L’Or et la paille, de Barillet et Grédy ; tourné deux épisodes de la série Dix pour cent (saison 2) et lu des livres, des bandes dessinées, à la recherche d’une histoire qui, comme elle dit, « l’allumerait de l’intérieur ».
Le message d’une amie laissé sur sa boîte vocale la lui apporte : « On m’a appelée, ils ont un bébé pour moi, un bébé né en France. Je le vois dans quatre jours. Si tout va bien, il est chez moi dans une semaine. » Fascinée par le mélange d’euphorie et de panique éprouvé par sa copine, la réalisatrice veut en savoir plus. « J’étais curieuse, se souvient-elle. D’abord frappée par la richesse émotionnelle que doit représenter un accouchement sous X, puis impatiente de creuser ce qui se déroule