L'Express (France)

Alice, Théo, Jean et les autres

- LE CHOIX CINÉ D’ÉRIC LIBIOT La première scène donne le ton. Immédiatem­ent et tout de suite.

Pas le temps de perdre son temps avec des plans d’exposition sur un escalier à descendre ou une rue à grimper, il y a urgence, un bébé vient de naître et il faut s’en occuper. Donc : face-à-face entre Lydie et Alice (Olivia Côte et Elodie Bouchez). L’une travaille dans l’aide sociale à l’enfance, l’autre souhaite adopter; ici, un discours très pédago sur l’adoption, un plan fixe et frontal, là, des images caressante­s sur un sourire, des larmes d’émotion, une trouille dans le regard quand Alice, 41 ans, apprend qu’elle va adopter Théo, 3 mois.

Flash-back. Pupille, de Jeanne Herry, est le long parcours qui va mener Théo dans les bras d’Alice : accoucheme­nt sous X, placement de Théo chez un assistant maternel, examens en tout genre, psychologi­ques et médicaux, approche d’une candidate, etc. Avec, chaque fois, un discours précis sur le processus d’adoption, mêlé aux incursions dans la vie intime et privée des uns et des autres. Raconté avec suffisamme­nt d’intelligen­ce pour que ce qui pourrait apparaître comme une mécanique narrative par trop contraigna­nte vire finalement à un film très émouvant.

On sait le cinéma témoin politique de son époque, il est ici conteur des aventures humaines ; non, aventure n’est pas un mot trop fort lorsque ce chemin de croix, pour peu qu’on puisse s’en rendre compte sur l’écran ou dans la vie, brasse à ce point des sentiments extrêmes et bouleverse une vie (ou plusieurs). Jeanne Herry le sait, qui filme exactement ça, sans craindre les excès du mélo et la froideur du discours. Il n’y a ici ni l’un ni l’autre ; quand bien même il y en aurait (chacun met son curseur où il peut), ces partis pris sont totalement assumés.

Je dois reconnaîtr­e que je n’en attendais pas tant de la part de la réalisatri­ce de Elle l’adore, sorte de thriller mélo un peu bancal. Non que Pupille soit le grand film parfait pour liste patrimonia­le, mais il est à sa place, interprété au poil (Bouchez, Lellouche, Kiberlain et tous les autres), joliment empathique, justement écrit (quelques images suffisent à faire vivre un personnage ; c’est aussi une des excellente­s idées de ce Pupille), formidable­ment modeste et respectueu­x en ce qu’il ne revendique rien d’autre que ce qu’il est. Il faut aussi préciser que vous allez pleurer. Comme tout le monde.

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