CE QUE CHACUN DE NOUS DOIT FAIRE
Bien sûr, il appartient d’abord au président de la République de dire ce qu’il compte demander au gouvernement et au Parlement de faire pour réconcilier la nation. Et beaucoup, sinon l’essentiel, était, est et sera de la responsabilité des élus d’aujourd’hui. Il leur faudra réduire très vite les injustices salariales, fiscales, sociales, éducatives, culturelles, écologiques, institutionnelles, qui gangrènent depuis si longtemps l’unité de notre pays.
Il ne faudra pas cependant oublier la responsabilité des élus d’hier, nostalgiques de pouvoirs passés, et de ceux qui, n’ayant jamais gouverné, n’ont fait jusqu’ici qu’appeler au pire, en espérant y trouver leur chance d’avoir accès aux délicieux vertiges du pouvoir. Mais il ne faut pas non plus retomber dans le piège de tout attendre du pouvoir : on ne sortira donc pas de cette crise sans comprendre que nous en sommes tous, ou presque tous, responsables. Et que chacun de nous peut beaucoup.
On ne peut à la fois reprocher au pouvoir actuel sa verticalité et tout attendre de lui. Le moment est venu pour chacun de nous, à sa place, de comprendre qu’il n’a pas intérêt au malheur de l’autre, et de faire ce qu’il peut pour que la France, si riche, donne enfin sa chance à tous ses enfants.
D’abord, et surtout, les plus riches des personnes privées (en particulier celles qui ont gagné des fortunes en Bourse) peuvent, sans qu’on l’exige d’eux, agir rapidement. On peut, par exemple, imaginer que tous les ménages qui payaient l’ISF, au temps où il existait, fassent une contribution équivalente annuelle à des ONG luttant contre la pauvreté ou pour l’environnement et créant des emplois. Ou investissent une somme dans des entreprises travaillant dans ce même sens.
Ensuite, les plus riches des entreprises, celles, par exemple, ayant plus de 1 milliard de chiffres d’affaires, peuvent toutes décider, sans que l’Etat les y contraigne, de créer des emplois un peu au-dessus du smic à hauteur de 5 % de leur effectif actuel, en s’engageant à former elles-mêmes les nouveaux recrutés à leurs métiers. Ou, pour une somme équivalente, à augmenter leurs plus bas salaires d’au moins 5 %.
Ensuite encore, les organismes chargés de gérer les retraites pourraient décider d’une revalorisation des pensions, au moins pour compenser l’inflation, dans le passé et à l’avenir.
Ensuite encore, les collectivités territoriales et les autres institutions chargées de la formation professionnelle pourraient considérer comme prioritaire de former à de nouveaux métiers ceux qui aujourd’hui sont au chômage ou touchent des bas salaires, pour qu’ils puissent obtenir des rémunérations plus élevées, sans rien attendre de personne.
Ensuite encore aux journalistes et aux instances de régulation de prendre enfin des mesures fortes pour que le public ne soit plus victime de fausses nouvelles et que les chaînes d’info en continu et les réseaux sociaux cessent de véhiculer insultes, calomnies et menaces en toute impunité.
Enfin, chacun d’entre nous, employeur ou employé, fonctionnaire ou salarié du privé, jeune étudiant ou retraité, gilet jaune ou non, doit réfléchir à ce qu’il peut faire pour les autres, dans ce pays. Les Français sont déjà très nombreux, par le biais de l’engagement politique, syndical et associatif, et par la générosité pour les grandes causes et pour leurs voisins, à avoir compris que chacun à intérêt au bonheur des autres. Mais nous devons faire plus. A nous de mieux écouter les besoins criants des plus fragiles.
Il ne s’agit pas de remplacer la solidarité institutionnelle par la charité privée. Mais de comprendre que l’avenir d’une société ne dépend pas seulement de décisions politiques centrales. Et que plus les citoyens feront beaucoup les uns pour les autres, plus ils pourront exiger de ceux qu’ils ont élus de faire plus encore en termes de solidarité avec les vivants et avec les générations futures.
Aujourd’hui est un moment de vérité pour un homme, dans un palais national, et pour chaque Français, à sa place. En cela, cette crise est bienvenue.
A nous de mieux écouter les besoins criants des plus fragiles