Pourquoi le Brexit était prévisible
Dans son dernier ouvrage, l’historien Kevin O’Rourke adopte une perspective longue pour expliquer la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Ayant achevé son livre en septembre 2018, il précise d’emblée que la situation est si confuse qu’il est impossible d’établir des scénarios sur ce que seront les relations futures entre les deux. Dès lors, il revient principalement sur le passé.
Un passé marqué chez les Britanniques par un débat récurrent entre la pertinence du libreéchange choisi en 1846 et l’affirmation de la puissance puis de la préférence impériale. Côté Europe continentale, la création du Marché commun a correspondu avec la double volonté, politique d’abord, d’effacer les affrontements meurtriers des années 1914-1945 ; économique ensuite, d’éliminer un protectionnisme synonyme de routine. L’adhésion britannique dans les années 1970, bien que clairement assumée puisque le score en sa faveur (67 %) lors du référendum de 1975 fut net, a reposé sur une ambiguïté : elle était en accord avec le projet de libéralisation économique. En revanche, le pays était hostile à tout ce qui pouvait écorner son statut de grande puissance. Cela a nourri un sentiment de dépossession de sa souveraineté, qui a été conforté lors de la crise du système monétaire européen de 1992 par le refus allemand de défendre la livre.
Si le Brexit était donc logique – même s’il serait réducteur de considérer qu’il était inéluctable –, il n’en reste pas moins que personne ne l’avait anticipé. D’où des incertitudes et la cristallisation durable sur la frontière entre l’Irlande du Nord et l’Irlande du Sud. Bien documenté, le texte aborde avec clarté ce dossier du Brexit, sur lequel tant d’opinions contradictoires et parfois farfelues circulent.
UNE BRÈVE HISTOIRE DU BREXIT
PAR KEVIN O’ROURKE, TRAD. DE L’ANGLAIS PAR CHRISTOPHE JAQUET. ODILE JACOB, 304 P., 22,90 €.