COMME AU CINÉMA
Certains films n’ont pas besoin d’un scénario bien ficelé pour mériter leur statut de chefd’oeuvre. C’est le cas de Bullitt, réalisé par Peter Yates en 1968. Son intrigue tient sur une feuille volante et ses incohérences n’ont rien à envier aux plus mauvais des « blockbusters » modernes. Mais sa magie est ailleurs. Elle tient à la musique de Lalo Schifrin, au charisme de Steve McQueen, au jeu de caméra débridé de Yates et bien sûr à l’une des plus formidables poursuites automobiles de l’histoire du cinéma. Pour ceux qui y auraient encore échappé, elle met en scène pendant presque onze minutes et sans musique la menaçante Dodge Charger noire des bandits aux prises avec la Ford Mustang GT Fastback du héros, Frank Bullitt. Cette ode au métal hurlant a laissé une trace indélébile dans les imaginaires, et toutes les poursuites tournées depuis se mesurent à ce monument.
Cinquante ans plus tard, Ford n’a pas résisté au plaisir de ressusciter la légende en proposant une version contemporaine de la Mustang verte. La ficelle peut sembler grosse mais on se laisse prendre à la nostalgie grâce à la justesse des ingrédients choisis. La Mustang Bullitt est en effet équipée comme l’historique d’un gros V8 atmosphérique, d’une transmission manuelle un rien virile et est revêtue d’une interprétation moderne et métallisée du vert originel. La bande-son, que l’on peut moduler, a été si bien soignée que, dès les premiers mètres à son volant, on se prend effectivement pour Frank Bullitt. Celui-ci ne branchait pourtant pas son téléphone à la voiture par la grâce d’Android Auto et ne se laissait pas guider par les assistances à la conduite modernes.
Certes, dans un monde automobile obsédé par les émissions de CO2, cette américaine apparaît un rien anachronique. Mais les plaisirs qu’elle distille s’apprécient dès les plus basses vitesses, ce qui en fait presque une sportive citoyenne. Son châssis adapté aux coutumes européennes et son grand coffre en font même un mythe rompu aux exigences du quotidien. Elle produit pourtant sur son passage plus d’effet que les plus voyantes des Supercars. Avouons-le : nous avons été totalement conquis !