L'Express (France)

Le style de… Luc Plamondon

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Parolier de génie, ce Québécois a écrit pour (entre autres) Julien Clerc, Barbara, Françoise Hardy et, bien entendu, pour ses compatriot­es Céline Dion, Robert Charlebois, Diane Dufresne… Avec Michel Berger, il implante en France le spectacle musical « à l’américaine » avec Starmania, en 1978, avant de réitérer l’exploit en 1998, associé cette fois à Richard Cocciante, avec Notre-Dame de Paris, qui, pour fêter ses 20 ans tout rond, se rejoue actuelleme­nt.

l’express Comment définir le style de vos comédies musicales ?

Luc Plamondon Starmania était clairement un opéra rock. Notre-Dame de Paris se rapproche plus des Misérables ou du Fantôme de l’Opéra, des triomphes que Broadway définit comme des « opéras pop ». Pop pour populaire. Tout y est raconté par des chansons et des chorégraph­ies, quasiment rien n’est dialogué. Et c’est avant tout très romantique.

C’est donc « american style » ?

Par la force des choses. Les « musicals » sont nés aux Etats-Unis! En France, le seul spectacle musical qui était à l’affiche pendant un siècle, c’était l’opérette. Je me souviens, quand je suis arrivé à Paris dans les années 1970, il y avait encore trois théâtres qui en passaient. Et ensuite, malgré le succès de Starmania, beaucoup pensaient que Notre-Dame de Paris serait un échec, que ce n’était pas ma culture, que ce n’était pas assez rock. On me disait aussi que j’étais gonflé de m’attaquer à la langue de Victor Hugo. S’ils avaient pris la peine de lire le roman, ils se seraient aperçus que Quasimodo et Esmeralda ne se parlent quasiment jamais. Je me suis donc occupé de faire en sorte que les personnage­s s’expriment. En chansons.

Quelle différence de style entre un Québécois et un Français ?

C’est comme si vous me demandiez la différence entre un Parisien et un Marseillai­s! Il y en a tellement! Disons que nous, on a une pointe d’américanis­me que vous n’avez pas. Quand Michel Berger m’a appelé, en 1975, pour me demander de faire un opéra rock, j’étais très surpris. Pourquoi ne pas s’adresser à un de ses compatriot­es ? Je l’ai compris quand on s’est mis au travail. Sur une de ses musiques, j’écris : « Seule, je marche seule, je cherche le soleil au milieu de la nuit… » Je trouve cela très beau et je lui propose. Il me répond : « Un Français aurait pu l’écrire. » Autrement dit, ça ne lui allait pas. Je réfléchis et, quelques jours plus tard, j’ai une illuminati­on : « Stone, le monde est stone… » Quand Michel découvre le texte, il me dit : « Voilà pourquoi je t’ai fait venir. »

Les télécroche­ts comme The Voice, auquel a longtemps participé votre ami Garou, peuvent-ils révéler le style d’un chanteur?

Ils peuvent révéler un chanteur, mais en aucun cas influer sur leur style. Ceux qui arrivent là ne deviennent pas bons parce qu’ils participen­t au show, ils le sont d’entrée de jeu. Si le peuple s’amourache d’un talent, comme Kendji Girac, par exemple, cela permet ensuite à Gitano ou Andalouse de devenir des tubes. La nouvelle interprète d’Esmeralda dans Notre-Dame de Paris, Hiba Tawaji, est une Libanaise qui s’est inscrite à The Voice pour faire de la comédie musicale en France, afin justement de devenir Esmeralda. Elle n’est pas allée loin dans la compétitio­n, personne ne l’a remarquée, sauf moi ! Le show lui a été bénéfique, mais elle avait déjà son style et son talent.

Quel style de chansons aimez-vous aujourd’hui?

Il y en a très peu, car elles manquent toutes de textes, ne racontent plus d’histoires. Des états d’âme, oui, mais des histoires… Il y a tout de même quelques fulgurance­s, comme Stromae, un génie ! Dommage qu’il n’ait rien sorti depuis son sublime dernier album… à part une ligne de vêtements.

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