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Rémy Heitz ne s’attendait pas du tout à devoir monter au front de l’antiterrorisme trois semaines seulement après sa prise de poste. Le 12 décembre, au lendemain de la tuerie perpétrée par un djihadiste en marge du marché de Noël, à Strasbourg, le tout nouveau procureur de Paris s’est livré à l’exercice de la conférence de presse, devant une grappe de micros et de caméras. Veste et cravate sombres sur chemise blanche, Heitz est apparu grave et ému en livrant les détails glaçants des meurtres puis de la traque qui s’organisait afin de retrouver le fugitif. Même si le magistrat a plutôt le profil du diplomate réservé, il a laissé apparaître son trouble. Une émotion qui s’est traduite par une – infime – maladresse : les feuilles de son discours lui ont glissé des mains et il a dû les ramasser à terre. Le surlendemain, pour décrire précisément la fin de la cavale de Cherif Chekatt, abattu par la police, Rémy Heitz avait visiblement pris de l’assurance. Un peu d’expérience, déjà, mais sans doute aussi parce qu’il avait là un dénouement à annoncer, plutôt qu’un suspense anxiogène à entretenir.
Se sent-il prêt à incarner le visage de la lutte antiterroriste ? Est-il de taille pour se glisser dans les habits de « François Molins superstar » ? Après les attentats de 2015, le procureur à l’accent du Sud-Ouest était devenu le plus connu des magistrats en France, celui auquel les citoyens se raccrochaient lorsqu’ils avaient peur. Encore tout débutant dans cette fonction hors normes, hypermédiatisée, Rémy Heitz a encore des progrès à faire. Un signe : lors de ses deux conférences de presse, à Strasbourg, il n’a pas souhaité répondre aux questions des journalistes, exercice ô combien périlleux. L’homme a construit sa carrière loin des médias, mais il a su se faire apprécier de ses collègues grâce à sa simplicité, sa capacité d’écoute et son aptitude à mettre les mains dans le cambouis. Le 13 décembre, il a tenu à participer aux opérations d’identification du cadavre de Cherif Chekatt, loin de sa tour d’ivoire.
Le 4 décembre, pendant la cérémonie d’installation au tribunal de Paris, Heitz rayonnait, portant dans ses bras deux charmantes têtes blondes, ses petits-enfants. Une mine joyeuse, donc, qui tranche avec celle que sa fonction nous donnera à voir.
C’est le chef du plus gros parquet de France, fort de 119 magistrats, où sont gérées des affaires politico-financières sensibles, qui intéressent le pouvoir en place ou l’opposition. Tant que le parquet national antiterroriste n’est pas créé, le parquet de Paris est compétent pour cette matière sur tout le territoire. Quel est le parcours de Rémy Heitz? Deux fois procureur, mais assez brièvement, à Saint-Malo et à Metz, Heitz a surtout fait carrière en cabinet auprès d’hommes de droite, de Pascal Clément à Jean-Pierre Raffarin, et à l’administration centrale, au ministère de la Justice. Comment a-t-il été choisi? Dans la hiérarchie judiciaire, c’est le poste le plus délicat. La preuve, le candidat pressenti par la garde des Sceaux a été audité à Matignon. Mais l’Elysée n’en a pas voulu, préférant Rémy Heitz, 55 ans, dont l’échine est réputée pour sa souplesse. Voudra-t-il et saura-t-il gagner ses galons d’indépendance?