LE PASSAGER CLANDESTIN
par Simenon, illuStrationS de louStal. omniBuS, 208 p., 29 €. Vingt ans que ces deux-là font la paire, depuis Touriste de bananes, en 1998. et quelle paire ! la preuve encore avec ce quatrième « roman américain » de Georges Simenon qu’illustre le génial loustal. les retrouvailles sont d’autant plus heureuses que Le Passager clandestin, écrit en 1947, se situe de nouveau à tahiti, comme Touriste de bananes. une contrée exotique où l’écrivain liégeois avait fait escale deux mois durant, lors d’un grand périple autour du monde dans les années 1934-1935. le dessinateur la connaît bien lui aussi, globe-trotteur invétéré dont témoignent ses nombreux carnets de voyage. alors que Simenon signe une formidable intrigue à plusieurs bandes, qui commence à bord du cargo l’Aramis avant de se dérouler à papeete, loustal joue à merveille de son trait noir et ombré. il fait surtout la part belle aux couleurs pour restituer le « vert sombre des arbres, le bleu du ciel, la pourpre du sol, le rouge plus vif d’une gamine qui pass[e] à vélo, le blanc des costumes coloniaux », ce « feu d’artifice dans le soleil » que décrit Simenon. mieux encore, son crayon vigoureux crée avec brio une atmosphère sensuelle, une ambiance des plus interlopes, et cette langueur qui le dispute aux rapports de force. ils opposent le major philip owen, le fugitif alfred mougins et la danseuse lotte, beau brin de blonde
– c’est elle, le passager clandestin. tous trois ont fait le voyage afin de retrouver rené maréchal, fils naturel d’un magnat de l’industrie cinématographique récemment décédé, histoire de rafler une partie de son héritage. du pont de l’Aramis au Yacht club, en passant par l’english Bar, où s’enchaînent les soirées bien arrosées, les illustrations mettent en valeur un texte étonnamment moderne et des dialogues au cordeau. le lecteur « s’amuse fameusement », comme dit un personnage.