“EN DÉMOCRATIE, TOUT DOIT POUVOIR SE DISCUTER”
« Les gilets jaunes veulent être reconnus comme citoyens “agissants”, capables d’avoir une prise sur leur vie et sur ce qui les concerne directement. Cette revendication est à la fois subjective (elle porte sur le vécu) et elle exprime une protestation sociale. Les conversations sur les barrages montrent aussi qu’une discussion collective pourrait s’amorcer, et c’est important, car, sur les réseaux sociaux, on ne discute pas, on s’agresse jusqu’à la haine face à une opinion différente de la sienne. Reste à savoir ce qui va l’emporter : l’émergence d’une véritable élaboration politique ou l’exacerbation d’un ensemble de protestations hétéroclites propices à n’importe quelle manipulation ? Ce qui est donc à réinventer, c’est la façon dont les citoyens peuvent à nouveau se percevoir comme porteurs de la souveraineté en dépit du fossé qui s’est creusé entre les représentés et les représentants. Pour cela, il faut que les premiers soient entendus, qu’ils deviennent audibles et visibles. Indépendamment de certaines expériences concrètes au niveau local – qui donnent des résultats partiels –, c’est une tâche dont l’ampleur paraît aujourd’hui incommensurable, tant l’expression de la souffrance sociale ne trouve pas à s’élaborer par des voies démocratiquement “raisonnables”. Il faut au moins et d’abord retrouver l’idée essentielle qu’en démocratie tout peut être discuté et être objet de débat : du côté des gouvernants, mais aussi de celui des gouvernés. »