Joel Meyerowitz : homme de couleurs
Maître de la photographie, l’Américain raconte dans un livre son passionnant cheminement esthétique. Pour L’Express, il commente quelques-uns de ses clichés.
Avec son chapeau et son petit foulard noué autour du cou, le photographe Joel Meyerowitz, 80 ans, ressemble à l’acteur ed Harris en cow-boy dans la série télé Westworld. a la différence de l’homme en noir du petit écran, le New-yorkais, lui, aime la couleur. au début des années 1960, à une époque où la photographie montre tout en gris, cet éternel optimiste, caractère hérité d’un père pauvre mais bon vivant, débute en glissant une pellicule couleur dans son appareil : il veut saisir le maximum d’informations sur la vie qui l’entoure. des rues grouillantes de Big apple aux plages apaisées de Cape Cod, ses images révèlent un monde en technicolor. il influence des cinéastes et des confrères comme wim wenders ou william eggleston. Meyerowitz privilégie dans ses clichés l’insolite, puis l’immersion du spectateur. il raconte à rebours la genèse de son style dans un beau livre aux éditions textuel. seul photographe autorisé sur ground zero après le 11 septembre 2001, l’américain a marqué l’histoire de la discipline. Que fait-il aujourd’hui, après cinquantecinq ans de carrière ? dans sa maison, en toscane, il crée des natures mortes en utilisant les mêmes objets que paul Cézanne ou giorgio Morandi. il fait sienne cette phrase du peintre italien, qui n’a jamais quitté son appartement de Bologne : « Certains peuvent voyager à travers le monde et ne rien en voir. pour parvenir à sa compréhension, il est nécessaire de ne pas trop en voir, mais de bien regarder ce que l’on voit. » l’oeil pétillant, Joel Meyerowitz n’hésite pas à parler de « perception extrasensorielle ». « la réalité est tellement fluide qu’elle bouge sans cesse. dans la rue, si vous observez bien les mouvements des passants, vous pouvez prédire le déroulement des choses. il suffit ensuite de se placer au bon endroit. photographier, c’est recevoir un moment de beauté, une révélation. » Joel Meyerowitz ne voit pas, il entrevoit.
INSIDE/OUTSIDE. expositioN à la galerie polka, paris (iiie). JusQu’au 12 JaNvier 2019.