L'Express (France)

Le guide des arts et spectacles

- LE CHOIX CINÉ D’ÉRIC LIBIOT

Ce n’est pas le film du siècle. Pardon pour cet avis qui ne donne peut-être pas immédiatem­ent envie d’aller voir Wildlife. Une saison ardente. Mais la modestie du film de Paul Dano le place d’emblée dans le moment de l’époque et ne vise jamais un quelconque affichage patrimonia­l. C’est la même démarche qui anime l’oeuvre littéraire de Richard Ford, dont Wildlife est l’adaptation du roman homonyme. Richard Ford, neveu ou disciple de Raymond Carver, selon les points de vue, raconte les petites choses et les petites gens pour faire écho au monde et n’aime rien tant que d’éclairer les faits et gestes pour mieux décrypter les psychologi­es intimes des uns et des autres. Son style est simple et avance droit.

Paul Dano, acteur étonnant qui semble venu d’ailleurs (les frères jumeaux flippants de There Will Be Blood, c’est lui), passe ici derrière la caméra et marche dans le sillon fordien pour explorer la lente déliquesce­nce d’un couple vu par Joe, leur fils de 14 ans. Tout se déroule dans les années 1960 dans le Montana (Etat peu industrial­isé de grandes plaines et de vallons) et pourrait sans doute se dérouler ici ou là et en d’autres époques tant cette intimité fragile agite depuis toujours les relations au sein d’un couple. Si la démarche de Paul Dano colle à celle de Richard Ford, son incarnatio­n (principe même du cinéma romanesque) est celle d’une ligne claire (comme on le dit d’une bande dessinée) où le cadre semble illustrer alors qu’il signifie davantage. Joe se fait un monde de ce qui se passe entre ses parents parce que rien d’autre ne compte quand son père et sa mère, eux, jouent leur vie.

Bon sang que ça fait du bien d’être là, face à l’écran, qui murmure sans cris, sans explosions, sans musique tonitruant­e. L’émotion affleure sans être agressive, la simplicité du récit ne se confond pas avec la mièvrerie – ni même avec la prétention, d’ailleurs, ce qui arrive parfois quand un artiste confond le peu avec le rien ou le rien avec le tout dans une contemplat­ion narcissiqu­e auteuriste. Paul Dano avance avec ses comédiens, Carey Mulligan et Jake Gyllenhaal, dont on sait les qualités, aussi avec le jeune Ed Oxenbould, étonnant d’intensité discrète. Il regarde, parle peu, ressent beaucoup, raconte les souffrance­s et les désirs des êtres humains qui, un jour, vont devoir marcher seuls.

WILDLIFE. UNE SAISON ARDENTE

DE PAUL DANO. 1 H 45. 15/20

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