JULES II : L’ART DE L’ÉTAT, L’ÉTAT DE L’ART
(1443 — PAPE DE 1503 À 1513)
En conclusion de sa biographie de Napoléon Ier, l’historien Jacques Bainville écrivait : « Sauf pour la gloire, sauf pour l’“art”, il eût probablement mieux valu qu’il n’eût pas existé. » Un jugement hâtif du pontificat de Jules II arriverait à une conclusion similaire. Des papes retenus dans ce dossier, il nous apparaît comme le moins exemplaire parce que son nom reste à jamais associé à cette époque si décriée de la papauté à la Renaissance : mondanités, richesses, gloire et moeurs décadentes…
Pourtant, alors que l’institution avait été discréditée tout au long du grand schisme d’Occident qui déchira la chrétienté (1378-1417), Jules II peut être considéré comme le « restaurateur du Saint-Siège ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le titre de souverain pontife, Pontifex maximus, tombé en désuétude depuis de nombreux siècles, réapparaît à cette époque. N’hésitant pas à monter à cheval pour faire la guerre, le « pape roi » della Rovere sut défendre les intérêts de la papauté contre les nouveaux Etats modernes. Dans une lettre à un ambassadeur, Machiavel écrivait : « Jules II ne se soucia jamais d’être haï, à condition d’être craint et respecté grâce à cette crainte, il bouleversa le monde et conduisit l’Eglise au niveau de puissance qu’elle a atteint aujourd’hui. » La Cité du Vatican et les papes des temps contemporains doivent beaucoup à cet homme qui eut la vision de cette centralité religieuse, politique mais aussi « culturelle » de la Ville éternelle.
Comme la plupart des hommes politiques qui ont marqué de leur empreinte l’Histoire, le dessein poli-
tique du pape Jules II est indissociable de ses conceptions et de ses réalisations artistiques. Il promeut ainsi la vision d’une nouvelle Rome portée par des hommes de génie : Bramante, Raphaël et, bien sûr, MichelAnge. En détruisant l’antique basilique de Constantin, Jules II fait table rase du passé. Il fait édifier les premières fondations de l’actuelle basilique Saint-Pierre, symbole, avec la chapelle Sixtine, de ce que Jean Delumeau appela la « seconde gloire de Rome ».