L'Express (France)

LA SÉNATRICE DÉMOCRATE ELIZABETH WARREN SE DIT PRÊTE À PARTIR À LA CONQUÊTE DE LA MAISON-BLANCHE. ELLE EST LA PREMIÈRE À SORTIR DU BOIS

La sénatrice Elizabeth Warren est la première personnali­té du Parti démocrate à annoncer sa candidatur­e aux prochaines présidenti­elles.

- Par Clément Daniez

Le costume ? Un simple cardigan, bleu comme ses yeux, et le « col » des ouvriers américains. Le décor ? Sa cuisine familiale. Dans une vidéo mise en ligne le 31 décembre, Elizabeth Warren se dit prête à partir à la conquête de la Maison-Blanche, à deux années de la fin du mandat de Donald Trump. Parmi les poids lourds de son parti résolus à détrôner le milliardai­re, la sénatrice du Massachuse­tts est la première à sortir du bois.

Plusieurs dizaines d’autres prétendant­s ont été répertorié­s par les médias américains, mais la plupart de ceux qui se sont déclarés sont inconnus du grand public. Ainsi, John Delaney a officialis­é sa candidatur­e dès juillet 2017, mais cet élu du Maryland

à la Chambre des représenta­nts réunit moins de 1 % des intentions de vote dans les sondages nationaux.

A lire les enquêtes d’opinion, l’ancien vice-président de Barack Obama, Joe Biden, serait l’éventuel candidat le plus apprécié. A 76 ans, il a déjà essuyé deux échecs, lors des primaires de 1988 et de 2008, et semble hésiter à se présenter. Il est suivi par son aîné d’une année Bernie Sanders, concurrent coriace face à Hillary Clinton lors des précédente­s primaires démocrates aux présidenti­elles. « Je serai sans doute candidat s’il s’avère que je suis le meilleur pour battre Donald Trump », a déclaré le sénateur du Vermont en novembre dernier. Les mieux placés à l’orée d’une campagne ne sont pas toujours ceux qui tirent leur épingle du jeu : deux ans avant son accession à la Maison-Blanche, le candidat Barack Obama n’était guère favori.

Beto O’Rourke, 46 ans, se verrait bien un destin à la Obama, justement. L’ancien président l’a reçu et compliment­é en public il y a peu. Candidat malheureux au mandat de sénateur du Texas, en novembre dernier, cet excellent débatteur, charismati­que et sûr de lui, veut capitalise­r sur l’engouement qu’il a suscité au-delà de son Etat. Il appartient au camp des « centristes » de son parti, à l’instar de Joe Biden et d’autres prétendant­s supposés, tels le sénateur du New Jersey Cory Booker, un Afro-Américain de 49 ans, et l’exmaire de New York le milliardai­re de 76 ans Michael Bloomberg.

Les démocrates ont longtemps cru qu’un programme modéré était une condition indispensa­ble pour la victoire, d’où le succès de Bill Clinton et de Barack Obama. En 2016, la victoire surprise de Donald Trump, malgré ses outrances, a semé le doute. Classés à la gauche du parti, les « progressis­tes » croient enfin en leur chance, convaincus de réussir là où Bernie Sanders a échoué. Elizabeth Warren, pourfendeu­se des excès de la finance depuis plusieurs années, fait le même pari. « La classe moyenne américaine est attaquée, affirme dans sa vidéo la brillante universita­ire, spécialist­e des faillites. Les milliardai­res et les grandes entreprise­s ont décidé que leur part du gâteau n’était pas suffisante. Ils ont donc engagé les politicien­s pour leur en couper une plus grosse […]. Notre gouverneme­nt est censé travailler pour nous tous, mais il est devenu un outil pour les riches. »

L’ancienne professeur­e de Harvard, âgée de 69 ans, ne sera pas la seule sur ce créneau. Elle pourrait subir la concurrenc­e de Bernie Sanders, s’il décide de tenter à nouveau sa chance, ou de Kamala Harris, sénatrice de la Californie. A 54 ans, cette Afro-Américaine, ancienne procureure générale, s’est fait remarquer à l’automne par ses questions offensives lors de l’audition de Brett Kavanaugh, le juge ultraconse­rvateur nommé par Donald Trump à la Cour suprême. Comme d’autres prétendant­s démocrates, elle a visité quelques-uns des Etats où se dérouleron­t les premières primaires, en février 2020, dont l’Iowa, qui ouvrira le bal.

SÉDUIRE LE CENTRE DU PAYS

Quel sera le positionne­ment gagnant? Difficile à dire. Un nombre record de femmes, de Noirs et de candidats issus de l’aile gauche du parti sont tentés de participer aux primaires. Et il existe une génération d’écart entre les potentiels candidats les plus âgés, comme Sanders, et les plus jeunes, tels O’Rourke ou Booker. L’âge et l’expérience ne font pas toujours la différence. Barack Obama officiait comme sénateur des Etats Unis depuis deux années seulement lorsqu’il s’est lancé dans la primaire, en début d’année 2007.

S’il n’est pas officielle­ment candidat à sa propre succession, Donald Trump ne cache guère son impatience. Le magnat de l’immobilier apparaît plus à l’aise devant les caméras de télévision et sur les estrades des meetings, où il excelle dans le rôle du bonimenteu­r, que dans le bureau Ovale, où les subtilités inhérentes à l’exercice du pouvoir et à la diplomatie l’ennuient. D’ici aux prochaines présidenti­elles, nul doute qu’il va s’en donner à coeur joie. Déjà, il a réagi sur Twitter à la candidatur­e d’Elizabeth Warren, l’une de ses cibles favorites, en se moquant à nouveau de ses lointaines origines amérindien­nes.

Pour reprendre la Maison-Blanche à Trump, son futur adversaire devra séduire les Américains du centre du pays, et pas seulement ceux des côtes Est et Ouest, où la victoire démocrate ne fait aucun doute. Elizabeth Warren l’a compris et, dans sa vidéo, raconte déjà son enfance dans l’Oklahoma, au sein d’une famille de la classe moyenne. Ses concurrent­s, eux aussi, devront veiller à s’adresser à ces électeurs blancs passés à Trump, dans des Etats comme le Michigan, la Pennsylvan­ie et l’Ohio, frappés par la désindustr­ialisation. Cela suffira-t-il pour que le camp démocrate l’emporte, quatre ans après le départ de Barack Obama de la Maison-Blanche? Entre aux présidenti­elles et le scrutin luimême, il s’écoule entre dix-huit mois et deux ans. La route est longue. Et Trump possède l’avantage de l’avoir déjà empruntée.

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Pari A 69 ans, la spécialist­e des faillites Elizabeth Warren mise sur un programme plus offensif que de coutume pour l’emporter. Ici, le 5 janvier, dans l’Iowa.

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