L'Express (France)

A Tokyo, les octogénair­es draguent aussi

Vivre vieux n’est pas synonyme de solitude. Dans les speed datings, on cherche la perle rare à tout âge.

- C. H. et P. M.

Pour l’événement, elle a mis une minijupe noire et un voile en mousseline. C’est la deuxième fois que Tsuyuko Tokushita, 71 ans, participe aux rencontres du club Sanko (Trois bonheurs) et elle compte bien y trouver son quatrième mari. « Je suis encore jeune, non ? minaudet-elle. Il faut profiter de la vie. Moi, je resterai femme jusqu’à mon dernier souffle. » Comme elle, une cinquantai­ne de retraités se pressent, ce dimanche après-midi, dans la salle de réception de l’hôtel Tobu, à Shibuya, au coeur de Tokyo. Les cravates sont ajustées, les broches étincellen­t. La moyenne d’âge oscille entre 65 et 70 ans, mais certains ont plus de 80 ans. Le concept ? Les convives ont dix minutes pour se présenter à leurs voisin(e)s, puis ils doivent changer de place. Quand une personne les intéresse, ils remplissen­t une fiche. Et si l’attirance est mutuelle, un tête-à-tête est organisé. La suite dépend d’eux… Un speed dating pour seniors ? Rien d’étonnant dans ce « pays de vieux », où l’espérance de vie est l’une des plus élevées au monde (87,3 ans pour les femmes, 81,1 pour les hommes) et où les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses à vivre seules.

A 77 ans, on a, comme Sadao Terasaki, la vie devant soi. Elégant dans son costume anthracite, le regard vif, il fourmille de projets : « Aujourd’hui, les hommes de 75 ans sont en bonne santé, dit-il. Je me lève tous les matins à 6 heures, je travaille toujours comme conseiller dans un groupe immobilier, et je veux me marier ! » Une telle proie de choix est très courtisée par les célibatair­es en jupon. « Les femmes sont plus entreprena­ntes que les hommes, explique l’organisate­ur, Shizuka Koshikawa. Elles ont payé l’équivalent de 40 euros pour entrer et elles ont l’intention de rentabilis­er leur investisse­ment. » Divorcé, il a créé ce club il y a une vingtaine d’années. « Avant, on avait honte d’être célibatair­e à 70 ans, explique-t-il. Aujourd’hui, c’est fini. On accueille même des gens de province ! »

Reiko Okubo a fait le déplacemen­t de Yokohama, au sud de Tokyo. Cette dynamique quinquagén­aire a revêtu une robe satinée parsemée de motifs roses. Deux fois divorcée, elle est en quête d’une nouvelle âme soeur. En cette journée ensoleillé­e, elle affiche pourtant une moue boudeuse. « Ils sont bien trop vieux, confie-t-elle au reporter de L’Express. Avant de lancer, le regard énamouré : Vous, vous êtes jeune, je vous aime ! »

Mais, déjà, la soirée touche à sa fin. Les heureuses élues sont rares. « A Tokyo, 1 femme sur 2 touche une retraite modeste, explique Mitsuo Yokohama, 68 ans. Elles s’inquiètent pour leur avenir et cherchent à se mettre à l’abri. » Lui reste assez distant. « Mes trois enfants se méfient. Ils ont peur que je fasse une mauvaise rencontre et que je dilapide leur héritage. » Shinichi Osono n’en a cure. Casquette sur le crâne, il est venu pour s’amuser et oublier sa solitude. « On m’appelle “Capitaine”, car je promène les touristes sur des bateaux dans la baie de Tokyo, ditil d’une voix éraillée. Je viens ici depuis plusieurs années. A l’époque, on pouvait courtiser les femmes comme en Occident. A présent, on ne peut même plus leur prendre la main, sous peine de passer pour un harceleur. C’est un vrai retour en arrière! » Question de point de vue.

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Audace Les femmes japonaises sont bien plus entreprena­ntes que les hommes.

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