Cherchez le garçon
Un récit d’apprentissage sur fond de musique new wave eighties. Vincent Raynaud se souvient… Ou pas.
Bien sûr, on pourrait dire qu’il s’agit d’un « roman rock ». Ce serait simple et pas vraiment faux. Mais, fort heureusement, Toutes les planètes que nous croisons sont mortes est plus que cela : le récit d’une certaine grâce adolescente rattrapée par la glaciation des émotions quand vient l’âge adulte. Les premiers chapitres, composés d’une seule longue phrase (mais tout à fait fluide), font un peu songer aux Enfants terribles de Cocteau : deux fils de bonne famille s’inventent des jeux – « Le dernier au portail est Alain Peyrefitte ! » – dans un grand appartement du boulevard SaintMichel, à Paris. Un jour, en pleine explosion punk, Tristan, le cadet, tombe sur l’une de ces petites annonces qui fleurissaient chez les disquaires de la fin des années 1970 : « Trio new wave chant-guitare-basse cherche batteur. » Le beau gosse finit par devenir chanteur « charismatique » du groupe La Monstrueuse Parade, sorte de clone de Taxi Girl. S’ensuivent les prévisibles galères du genre – tournées en camionnettes, sandwichs d’aires d’autoroute, managers véreux – puis, le succès arrivant, le grand barnum rock’n’roll, « cet immense cliché qui regorge de fautes et de rédemption, de graals sublimes et de baleines qui vous bouffent ».
Le tout est délicieusement « eighties » : le groupe se réjouit d’avoir une brève dans L’Officiel des spectacles, sort au Rose Bonbon, tandis que Mitterrand nationalise à tour de bras. On goûtera aussi l’interview
fictive de notre héros dans Lunettes noires pour nuits blanches par un Thierry Ardisson plus vrai que nature (« Coke ou héro ? »). il y a un peu du Bret easton ellis première manière dans ce flot incontrôlable de pensées adolescentes. et une forme d’ingénuité de l’instant présent, que semblent avoir tuée nos iPhones connectés en permanence. d’ailleurs, la dernière partie de Toutes les planètes que nous croisons sont
mortes raconte bien la froideur des années 2000, cette décennie des « dJ » et des « remix ». Vincent Raynaud (par ailleurs traducteur et directeur du département de littérature italienne chez Gallimard, qui édite notamment elena Ferrante) est né trop tard pour avoir vécu « en direct » l’explosion new wave de la fin des années 1970. A le lire, on jurerait pourtant qu’il était caché derrière un pilier du Gibus quand Taxi Girl est monté la première fois sur scène…
TOUTES LES PLANÈTES QUE NOUS CROISONS SONT MORTES
PAR VinCenT RAynAUd. L’iCOnOCLASTe, 544 P., 19 €.