L'ESCARGOT 1903 SORT DE SA COQUILLE
Yannick Tranchant relance avec succès cette maison historique de Puteaux (Hauts-de-Seine), au point de voir son carnet de réservation saturé !
C’est une drôle de carte postale qu’on s’offre à seulement quatorze minutes en Transilien de la gare Saint-Lazare : un charmant pavillon de 1903, fleurant bon les vieux faubourgs de Paname, et aujourd’hui perdu, tel un anachronisme, au beau milieu du « 9-2 » d’affaires, à l’ombre des tours de la Défense. Malgré son apparente tranquillité, cet Escargot n’est pas du genre à se reposer dans sa coquille. Tour à tour guinguette, troquet et pizzeria, il a toujours cultivé sa vocation de transformiste. Ces dernières années, les volte-face de son propriétaire, Hakim Gaouaoui, nous ont même donné le tournis. En 2012, il tentait un authentique bistrot, sous la houlette de Nicolas Mouton et Cédric Delvart, le binôme de la Fourchette du Printemps (Paris XVIIe), avec son zinc à l’ancienne et son ardoise parlant couramment le boeuf bourguignon et le tartare haché au couteau.
En 2016, il lançait Paolo Boscaro, jeune loup biberonné aux grandes maisons, dont les assiettes au garde-àvous servies dans un décor revu à la sauce cossue lui vaudront, l’année suivante, sa première étoile Michelin. Coup de théâtre en septembre dernier : le serial restaurateur revend le fonds de commerce à Yannick Tranchant, dont le casier culinaire n’est pas vraiment vierge. Après avoir oeuvré à l’Hôtel Sheraton Roissy et à La Grande Cascade (Paris, XVIe), l’ancien compagnon
de route de la cheffe Beatriz Gonzalez à Neva Cuisine (Paris VIIIe) remet cet Escargot sur les traces de la réussite. On vous prévient : le carnet de réservation est saturé. La faute aux hommes d’affaires qui viennent en douce y desserrer leur cravate au déjeuner et aux gourmets putéoliens qui s’y serrent le soir. La recette du succès tient en quelques ingrédients :
1) Un directeur de salle – Nicolas Colonna – futé et véloce, qui n’hésite pas à exercer son prosélytisme corse sur le menu – clémentines, brocciu... – et sur la carte des vins (blanc de Patrimonio Yves Leccia 2017, 47 €). 2) Un décor d’une moelleuse neutralité, entre salon lounge d’aéroport et lobby d’hôtel 4 étoiles.
3) L’épatant menu à 39 € déroulant une belle bistronomie de confort, carrée sur ses produits, généreuse dans ses portions, ambitieuse dans ses réinterprétations. Le hareng pommes à l’huile prend la forme d’un tartare de poisson fumé, cerclé d’une émulsion de pomme de terre et coiffé de cercles d’oignon de Roscoff frits et croustillants. Le quasi de veau rosé est perlé d’un jus sirupeux exécuté dans les règles et accompagné d’un délicieux cannelloni farci aux champignons.
Loin d’être la portion congrue, les desserts sont le terrain de jeu favori du chef, pâtissier de formation. Il suffit de goûter à son mont-blanc – un précieux diadème aux saveurs pures et aux textures craquantes – pour en arriver à cette conclusion : avec un Yannick plus que jamais Tranchant, l’Escargot 1903 fait baver de plaisir !