« Bébés sans bras » : les pesticides en coupable idéal
Des enfants handicapés, une suspicion généralisée à l’égard de l’agriculture industrielle, une femme opiniâtre jouant les « lanceuses d’alerte ». Avec l’affaire dite des « bébés sans bras », tous les ingrédients d’un scandale sanitaire semblent réunis lorsque, en octobre 2018, Emmanuelle Amar, responsable du Registre des malformations congénitales en Rhône-Alpes (Remera), sonne l’alarme : sept enfants sont nés sans avant-bras ou sans main dans un secteur du département de l’Ain. Un constat similaire est dressé par Santé publique France (SPF) dans deux autres zones situées dans la Loire-Atlantique et le Morbihan. Très vite, la personnalité de la scientifique et sa méthodologie (voir ci-contre) sèment le doute. L’agence gouvernementale réfute vivement ses déclarations. Mais l’émotion dans l’opinion est trop forte : le gouvernement commande des enquêtes complémentaires, dont les conclusions devraient être rendues publiques le 31 janvier. Parmi les hypothèses explorées : l’exposition supposée des mères aux pesticides lors de leur grossesse. « Le seul point commun entre toutes ces femmes est de résider en milieu rural à dominante agricole. C’est pourquoi j’ai pensé à une substance utilisée en agriculture ou en médecine vétérinaire », déclare Emmanuelle Amar, vite relayée par des politiques, comme l’élu écologiste Yannick Jadot. Pourtant, à ce stade, aucun élément ne permet de les incriminer de manière certaine. Certes, les polluants agricoles peuvent provoquer ce type de malformations, mais celles-ci apparaissent au cours du premier trimestre de grossesse. Or les dates ne coïncident pas systématiquement avec les périodes d’épandage.
Par ailleurs, il existe en France beaucoup de territoires
« à dominante agricole » semblables à celui de l’Ain dans lesquels on n’observe aucune malformation analogue. Enfin, de nombreuses autres causes peuvent être à l’origine de naissances de bébés privés d’une main ou d’un avant-bras : les produits chimiques (deux des mères travaillaient dans un salon de coiffure), les médicaments, l’alcool, la drogue… La piste environnementale demeure donc une hypothèse sérieuse, mais les pesticides ne peuvent endosser le rôle du suspect n° 1.