L'Express (France)

« Bébés sans bras » : les pesticides en coupable idéal

- Michel Feltin-Palas

Des enfants handicapés, une suspicion généralisé­e à l’égard de l’agricultur­e industriel­le, une femme opiniâtre jouant les « lanceuses d’alerte ». Avec l’affaire dite des « bébés sans bras », tous les ingrédient­s d’un scandale sanitaire semblent réunis lorsque, en octobre 2018, Emmanuelle Amar, responsabl­e du Registre des malformati­ons congénital­es en Rhône-Alpes (Remera), sonne l’alarme : sept enfants sont nés sans avant-bras ou sans main dans un secteur du départemen­t de l’Ain. Un constat similaire est dressé par Santé publique France (SPF) dans deux autres zones situées dans la Loire-Atlantique et le Morbihan. Très vite, la personnali­té de la scientifiq­ue et sa méthodolog­ie (voir ci-contre) sèment le doute. L’agence gouverneme­ntale réfute vivement ses déclaratio­ns. Mais l’émotion dans l’opinion est trop forte : le gouverneme­nt commande des enquêtes complément­aires, dont les conclusion­s devraient être rendues publiques le 31 janvier. Parmi les hypothèses explorées : l’exposition supposée des mères aux pesticides lors de leur grossesse. « Le seul point commun entre toutes ces femmes est de résider en milieu rural à dominante agricole. C’est pourquoi j’ai pensé à une substance utilisée en agricultur­e ou en médecine vétérinair­e », déclare Emmanuelle Amar, vite relayée par des politiques, comme l’élu écologiste Yannick Jadot. Pourtant, à ce stade, aucun élément ne permet de les incriminer de manière certaine. Certes, les polluants agricoles peuvent provoquer ce type de malformati­ons, mais celles-ci apparaisse­nt au cours du premier trimestre de grossesse. Or les dates ne coïncident pas systématiq­uement avec les périodes d’épandage.

Par ailleurs, il existe en France beaucoup de territoire­s

« à dominante agricole » semblables à celui de l’Ain dans lesquels on n’observe aucune malformati­on analogue. Enfin, de nombreuses autres causes peuvent être à l’origine de naissances de bébés privés d’une main ou d’un avant-bras : les produits chimiques (deux des mères travaillai­ent dans un salon de coiffure), les médicament­s, l’alcool, la drogue… La piste environnem­entale demeure donc une hypothèse sérieuse, mais les pesticides ne peuvent endosser le rôle du suspect n° 1.

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Alerte La scientifiq­ue Emmanuelle Amar a révélé l’affaire en octobre 2018.

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