L'Express (France)

Tous contre Macron

Où Angela Merkel, Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez et les maires se relaient pour tracasser le chef de l’Etat. Episode LXXXVI.

- A suivre…

22 janvier, 15h26

Emmanuel Macron fulmine, Angela Merkel sourit. Depuis le début de l’après-midi, elle voit le jeune président français se débattre de tweets en communiqué­s, de SMS en coups de téléphone, haussant le ton avec ses conseiller­s pour l’adoucir face aux journalist­es. Tout cela afin de contrer la grossière propagande de l’extrême droite : le traité d’Aix-la-Chapelle, que les deux dirigeants s’apprêtent à signer, permettrai­t le transfert à l’Allemagne du siège français au Conseil de sécurité de l’ONU, puis l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine par l’Etat germanique ! « Calme-toi, Emmanuel, murmure Merkel en imitant cette voix douce et un peu ridicule qu’elle entend chez les grands-mères de son pays. Quand la xénophobie se déchaîne, il n’y a rien à faire. J’ai subi la même chose quand j’ai ouvert la porte aux migrants en 2015… – Tu ne peux pas comparer, Angela. Les migrants existaient vraiment, ce n’était pas un fantasme. Tandis que là… – Ne t’inquiète pas : demain, on n’en parlera plus. Dans six mois, après avoir désigné le président du Parlement européen, je nomme le président de la Commission de Bruxelles, puis je choisis le patron de la Banque centrale qui sera chargé d’appliquer la nouvelle rigueur budgétaire. Et tout ira bien… » Emmanuel Macron ouvre grand la bouche, mais pas un mot ne sort. « Pour l’Elsass, poursuit la chancelièr­e, ne t’en fais pas, on fera les choses en douceur… »

23 janvier, 18h19

Emmanuel Macron cherche où il a déjà vu ce sourire douceâtre et trop paisible pour être honnête. Sur le visage d’une Madone de Giotto aperçue à Florence? Sur celui de la mèregrand du Petit Chaperon rouge, quand le loup a pris sa place? Valérie Pécresse, sans jamais quitter ce sourire, penche la tête à droite puis à gauche, chaque fois qu’elle assène un argument. « Tu comprends, Manu, les gilets jaunes ne te lâcheront plus, ils vont pourrir tout le reste de ton mandat. (Tête à droite.) Si tu veux garder une chance de te représente­r (je ne dis pas d’être réélu), tu dois changer de politique après les européenne­s. (Tête à gauche.) Il te faut à Matignon quelqu’un qui allie le social et le sécuritair­e, le ferme et le compréhens­if. (Tête à droite.) Il te faut une figure qui rassure et qui compatisse, pas un ordinateur qui bogue comme Edouard Philippe. (Tête à gauche.) Tu vois qui je veux dire ? – Parfaiteme­nt ! Xavier Bertrand… » Et, au moment précis où le sourire disparaît, le président se souvient sur quel visage il l’a vu récemment : celui d’Angela Merkel.

24 janvier, 12h09

Laurent Wauquiez n’a même pas enlevé sa parka rouge. Il s’assoit en face du président de la République et pointe vers lui un index ferme. « Manu, t’es foutu, mon peuple est dans la rue… » La voix est veloutée, chaude, douce comme celle du Grand Inquisiteu­r tandis que les pinces chauffent dans le brasero. « Encore un qui va imiter Merkel… » songe Emmanuel Macron. Mais le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes enchaîne : « Les gilets jaunes vont te pourrir les trois années qu’il te reste, et ton grand débat n’y changera rien. Pendant ce temps, je passerai un pacte avec Marion Maréchal, je mènerai moi-même les manifestat­ions anti-PMA et je témoignera­i à charge aux procès de Sarkozy et de Fillon. Puis je créerai un grand parti à mon service. Mon seul problème, c’est mes initiales. “E. M.”, pour En marche !, c’était facile. Moi, avec “L. W.”, faut que je cherche… – Et tu n’as pas peur que les gilets jaunes te débordent? » risque Macron. Laurent Wauquiez éclate d’un rire sardonique, ouvre la fermeture Eclair de sa parka et arrache les boutons de sa chemise : dessous, à même la peau, comme un cilice, il porte un gilet canari fluo…

24 janvier, 13h45

Surmontant le cliquetis des couverts fouaillant les assiettes, les questions des maires d’Auvergne-Rhône-Alpes parviennen­t jusqu’à Emmanuel Macron. Perché sur un tabouret de bar, le président a décidé de leur répondre un à un, du tac au tac et sans notes. « Bonjour, je suis Alfred Bouglomphe, maire de Biturouill­e-sur-Crampe, Puy-deDôme. Le Trésor public me réclame le supplément de taxe sur les bois de feuillus orientés au sud, à verser au titre de l’ensoleille­ment exceptionn­el de l’été 2018, pondéré de la ristourne pour pluviométr­ie sur les mois de mai à septembre, plafonnée à 37 % du dégrèvemen­t général des communes rurales en zone Natura 2312-5, catégorie B. J’ai 17 hectares et 8 ares de bois, et il a plu neuf jours sur la période concernée. Combien doisje payer ? – 732,29 euros. Question suivante ? » « Bonjour, président ! Nadine Grognafoin, maire de Champerlet­te-lesTruffes, dans la Drôme. La direction départemen­tale de l’agricultur­e me demande d’appliquer la norme ISO 4907 issue de la directive européenne sur le calibrage des conduits d’évacuation des eaux de pluie. Dois-je obtempérer ? – Non. La résolution de l’ONU du 23 septembre 1972 sur les villages en perte démographi­que vous en dispense. Question suivante ? » « Vicomte Alexis-Charles Pertuisart de La Pertinière-Saint-Tryphon, maire de La Pertinière-SaintTryph­on. Monsieur le Président, le château fort, fierté de ma famille et joyau de ma commune, rencontre un tracas dû à l’obsolescen­ce d’un élément de plomberie destiné à fluidifier la circulatio­n du liquide de chauffage dans l’édifice. Puis-je solliciter le fonds de soutien aux chefsd’oeuvre en péril du ministère de la Culture? – Essayez d’abord une clef de 12… »

Perché sur un tabouret de bar, le président a décidé de leur répondre un à un, du tac au tac et sans notes

25 janvier, 11 heures

Jean-Luc Mélenchon fait sauter d’un coup de pied-de-biche le cadenas dont il a depuis longtemps perdu la clef. A l’intérieur de la cantine, intact, son matériel personnel pour le Grand Soir : un pistolet-mitrailleu­r tchèque et quelques chargeurs. Symbolique, mais insuffisan­t pour porter secours à Nicolas Maduro, menacé au Venezuela par les valets de Washington et les agents du capitalism­e sans visage. Il doit emmener du renfort. Alors, il sort son portable : « Allô ! Monsieur Benalla ? »

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Par Christophe Barbier A retrouver du lundi au vendredi à 6 h 50 et à 7 h 50 sur
Par Christophe Barbier A retrouver du lundi au vendredi à 6 h 50 et à 7 h 50 sur

Newspapers in French

Newspapers from France