"Cela comble un trou dans la vie de Gary"
Myriam Anissimov est l’auteur de la biographie de référence de Romain Gary (1). Elle réagit aux découvertes d’Alexandre Vassine.
J’ai pu examiner les documents que publie L’Express avec ma collaboratrice russophone, Françoise Navailh, qui m’avait accompagnée dans les archives russes, lorsque je travaillais à ma biographie de Romain Gary. Ils nous semblent authentiques et comblent un « trou » dans la vie de l’écrivain. On savait que Romain Gary et sa mère avaient été expulsés de Wilno (Vilnius) au début de la Première Guerre mondiale, comme tous les juifs, mais on ignorait où ils avaient passé les six années suivantes. On sait désormais que la mère de Romain Gary et sa bonne ont réussi à rejoindre Moscou, où elles ont vécu aux mêmes adresses. On peut donc imaginer que le jeune Romain était avec elles, même si rien ne prouve qu’il ait fait partie de tout le voyage, car il n’apparaît pas sur ce nouveau passeport de sa mère. L’auraitelle laissé aux bons soins de ses parents à Swieciany? Gary a évoqué auprès de sa première épouse les champs de tournesols de cette région.
Il a aussi dit qu’il était passé par Koursk. Cela expliquerait le côté cliché des évocations de Moscou dans La Promesse de l’aube. Il était bien petit pour raconter la révolution d’Octobre ! Mais s’il était à Moscou, cela expliquerait les témoignages qui attestent que Gary comprenait et parlait le russe. Sa mère a pu avoir de petits rôles à Moscou. On ne connaissait pas ses moyens d’existence à cette époque et Gary évoque en effet cette activité d’actrice dans La Promesse de l’aube. Il lui arrivait donc d’écrire la vérité… » (1) Romain Gary, le caméléon (Denoël, 2004). Elle a récemment publié, à propos de l’écrivain, Les Yeux bordés de reconnaissance (Seuil, 2017).