L'Express (France)

Plus belles les vies

- M. P.

Des vacances à Majorque… Banal, sauf pour Dominique Bona (photo), jeune romancière, dans ces années 1980, lancée sur les traces de Romain Gary ; une virée à Cadaqués, en Catalogne – trivial aussi, si ce n’est pour dompter l’ombre de Gala, l’épouse de Salvador Dali. Entre ces deux tempos, plus de 300 pages de souvenirs, d’enquêtes et de vies par procuratio­n, soit une petite dizaine de biographie­s, dont l’auteure nous livre les coulisses tout autant qu’elle se dévoile, légèrement.

« Le biographe est un voyeur », prévient la fille d’Arthur Conte. Pas de vivants parmi ses « proies », mais de grandes figures culturelle­s du passé figées ou éloignées par le temps. Aussi attendit-elle son élection à l’Académie française pour brosser le portrait de Michel Mohrt, son ami bretonnant, dont elle occupe depuis 2013 le fauteuil au quai Conti. Une aubaine, écrit-elle, d’avoir à prononcer l’éloge d’un homme qui ne vous inspire qu’affection et gratitude. Ce ne fut pas le cas de Paul Valéry, qui détestait Anatole France et « s’était arrangé pour éviter à chaque phrase le nom de cet écrivain exécré auquel il succédait par malchance ». Des anecdotes comme celle-là, Mes Vies secrètes en fourmille. Phénoménal­e mémorialis­te, Dominique Bona enchante par sa plume alerte et intimiste, qui fait vibrer, jusque dans les alcôves, ses personnage­s : Marie de Heredia, André Maurois, Camille Claudel, Clara Malraux, Stefan Zweig, les soeurs Rouart, Paul Valéry…

Au chapitre des amours, celles de Marie de Heredia valent leur pesant d’or. Publiée à ses débuts par le Mercure de France, présidé par une Simone (Gallimard) « à l’élégance intemporel­le », Dominique Bona déniche chez un libraire près de sa maison d’édition un coffret rempli de photograph­ies de femmes nues prises par le prince de la poésie, Pierre Louÿs. Parmi elles, la fille du prestigieu­x JoséMaria de Heredia et épouse de Henri de Régnier… Interloqué­e, la biographe tire les fils. C’est rue Balzac, chez le maître de l’époque, « qu’ensemble Louÿs et Régnier avaient connu Marie. L’un était devenu son amant. L’autre, son mari… » De découverte littéraire en surprise érotique, Dominique Bona donne de la chair aux auteurs du Lagarde et Michard, et une bonne leçon aux collets montés. Ne jamais se fier aux apparences, telle pourrait être la devise de tout biographe qui se respecte.

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 ??  ?? MES VIES SECRÈTES PAR DoMINIqUE BoNA. GALLIMARD, 322 P., 20 €. 17/20
MES VIES SECRÈTES PAR DoMINIqUE BoNA. GALLIMARD, 322 P., 20 €. 17/20

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