AU-DELÀ DES FRONTIÈRES
PAR ANDREÏ MAKINE. GRASSET, 274 P., 19 €. 10/20
Au moins, avec ce roman, on ne pourra pas reprocher à Andreï Makine d’esquiver les sujets qui fâchent : son « héros » est un jeune écrivain d’extrême droite dont le père est gay, tandis que la mère couche avec des Africains sur des bateaux humanitaires ! reprenons dans l’ordre : Vivien de Lynden a écrit un ouvrage intitulé « Le Grand Déplacement », allusion transparente à la théorie du « grand remplacement » de renaud Camus, qui pose que la civilisation européenne est en train de disparaître sous l’effet de l’immigration. il finit par se suicider de désespoir. On découvre alors sa mère, femme perdue qui va noyer son chagrin en s’engageant dans des OnG sauvant des migrants en Méditerranée. Le propos de Makine est souvent provocateur
– le bateau humanitaire est qualifié de « boui-boui antiraciste » – et on croise les fantômes d’extrémistes tels que Georges Montandon (médecin racialiste) ou Dominique Venner (militant nationaliste qui s’est donné la mort à notre-Dame de Paris). Le tout est raconté du point de vue d’un narrateur nommé Gabriel Osmonde, qui, pour compliquer encore un peu les choses, n’est autre que le pseudonyme parfois utilisé par Makine pour signer ses livres. Si l’on ajoute que vient se glisser à l’intérieur de ce canevas déjà bien chargé un autre livre en abyme consacré aux diggers, cette contre-société ésotérique qui prône une « deuxième naissance » et une « machine à rêver » digne de h. G. Wells, on comprend que la construction en poupées russes du Prix Goncourt 1995 finit par être un peu indigeste pour le lecteur. C’est d’autant plus dommage que, finalement, rares sont, dans la France d’aujourd’hui, les romanciers qui osent se coltiner sans tabous les vrais sujets brûlants de l’époque…