Cours (coquin) de lettres
Vous avez aimé Les Rillettes de Proust, vade-mecum cocasse de Thierry Maugenest à l’intention des prétendants au rang de « grantécrivain » ? Vous allez adorer Les Spaghettis de Baudelaire, son nouveau précis de littérature tout aussi réjouissant, dont le titre vient de l’anagramme d’un vers du célèbre poète – « J’ai longtemps habité sous de vastes portiques », devenu : « J’aime que vos spaghettis potables soient durs ! » Sous-titré 50 conseils pour briller en cours de lettres, ce guide propose, aux élèves comme aux profs, leçons et exercices souvent iconoclastes, vraiment érudits. Entre une méthode pour inventer des citations, les sous-entendus de Stendhal, la tirade du nez de Cyrano modernisée ou des modèles de dissertations loufoques, plus question de s’ennuyer en classe. Soit « un cours par l’humour », promet l’avant-propos signé Gorgs Prc, qui ne comporte aucun « e » à l’image du roman oulipien de Georges Perec, La Disparition.
« J’ai effectivement voulu rendre hommage à l’Oulipo, confie Thierry Maugenest, auteur d’une quinzaine de livres et traducteur d’italien. La littérature me passionne, je suis curieux de tout. Après
Les Rillettes de Proust, j’ai continué à prendre des notes chaque fois que je tombais sur des choses amusantes, au détour d’une préface, chez les frères Goncourt, dans les vieux manuels de bouquinistes... J’ai aussi pensé à mes années lycée, où je récoltais systématiquement une bonne note en utilisant des termes pompeux. » Donc, ne mentionnez pas « les brouillons » d’un écrivain, mais « la génétique d’une oeuvre » ; ne parlez pas d’un style « simple, épuré », mais d’une « prose à faible résistance sémantique ».
Au programme également, des explications de textes inédites. Ainsi, lorsque Montaigne se dit « vicieux en soudaineté » dans ses Essais (chapitre V, livre III), sachez qu’il se présente tout bonnement en éjaculateur précoce ! « Mes conseils ont l’air farfelu, mais ils aident à mieux comprendre les grands auteurs. » Ils aideront aussi à utiliser correctement le terme « amalgame », dont la véritable étymologie vient de l’arabe « amal al-jamaa » qui signifie union charnelle ou coït. Ou à bien orthographier le (désormais) plus long mot de la langue française, « aminométhylpyrimidinylhdroxéthylméthythiazolium », utilisé en chimie. « Chaque fois que je travaille avec des correcteurs, j'apprends beaucoup. Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais je peux l'emporter après avoir fait des recherches. Restent des cas insolubles : doit-on écrire “au temps pour moi” ou “autant pour moi” ? Impossible de trancher, il y a autant de linguistes partisans de la première orthographe que de la seconde ! » A éviter, donc... Facétieux et instructifs, ces Spaghettis de Baudelaire méritent assurément d'être glissés dans tous les cartables.