Pacte avec la connerie
Les cons, ça ose tout. C’est même à ça
qu’on les reconnaît. » Derrière son apparence de boutade, la réplique bourrue d’Audiard a un mérite : rappeler que l’être humain atteint de connerie se répand dans le monde sans précaution, et qu’il est tellement ivre de sa propre bêtise qu’il n’est plus qu’une persévérance dans l’être, brute, sourde à autrui. Nourri de la philosophie de Spinoza et des stoïciens, le philosophe Maxime Rovere, professeur à l’université pontificale catholique de Rio de Janeiro, consacre un essai à la fois désopilant, salubre et finalement dénué de cruauté à cette tare humaine, trop humaine, dont on aurait tort, d’ailleurs, de sous-estimer l’universalité, même si elle se distribue dans des proportions variables selon les individus. Rovere mêle l’intime à l’extime dans son approche de la connerie et fait ressentir la sidération un peu effrayante qu’éveille son voisinage. Mais, face au bloc d’« inquestionnabilité » qu’est le con, il ne faut, suggère-t-il, ni blâmer ni juger. Seulement comprendre. Et, simplement, « empêcher les cons de nuire dans la pratique ». Si le parti pris antiétatique de l’auteur convainc moins, son pari d’un accommodement finalement serein avec la sottise échappe à l’écueil du cynisme et s’élargit aux dimensions d’un manuel de survie à une époque où, amplifiées par les réseaux sociaux, les opinions les plus absurdes réclament leur quart d’heure de célébrité et se rendent, littéralement, incontournables. Alors soudain, cet exercice de philosophie appliquée libère et émancipe.
Que faire des cons ? Pour ne pas en rester un soi-même, par Maxime Rovere. Flammarion.