La librairie de L’Express
Comme Gloria, son héroïne, qui part soudainement en cavale avec ses deux filles, Véronique Ovaldé a pensé à tout. Tandis que Gloria laisse son portable dans son cabanon bleu de Vallenargues, active celui à carte acheté la veille, téléphone au collège et à l’école pour qu’on libère avant la fin des cours Stella, la grande, et Loulou, 6 ans, la romancière distille ses indices. Méticuleusement. L’air de rien. « Ça leur laisserait quelques heures d’avance », écrit sobrement la narratrice. Evidemment, Stella, « sublime et fatigante », « soupirs et haussements d’épaules » à profusion, râle. Plus possible de joindre ses copines. D’autant que dans la maison maternelle de Kayserheim, en Alsace, où le trio se réfugie, le black-out se prolonge. Pour éviter le clash total, Gloria jette quelques informations à ses filles : elles fuient Pietro Santini, l’avocat de son père, décédé, chargé de lui délivrer petit à petit son héritage et qui est devenu dangereux. Afin d’éclairer le lecteur, l’auteure de Ce que je sais de Vera Candida (2009) alterne, à raison d’un chapitre sur deux, l’enfance de Gloria et l’exil alsacien. Pas brillante, l’enfance de cette jeune femme au caractère bien trempé et à la poitrine volumineuse (95 E). A 16 ans, elle perd son père, emporté par le chagrin et un cancer des poumons. Sa mère, elle, s’est carapatée avec son dentiste depuis belle lurette. « Advienne que pourra » : suivant la devise du paternel, elle part travailler comme serveuse dans le bar La Traînée, tenu par Tonton Gio. C’est là qu’elle a le coup de foudre pour le beau Samuel, son sourire merveilleux, sa peau « à l’air comestible ». C’est une petite frappe, la prévient Tonton Gio. « Peu lui chalait », dira-t-on, pour reprendre cette délicieuse déclinaison ovaldienne. Au total, il y aura un incendie, un suicide, quelques meurtres et une belle surprise. Mais laissons là les événements pour dire la grâce de ce 10e roman de la quarantenaire, qui, malgré les rudes apparences, célèbre avec maestria l’amour de cette « maman pélican ». Parenthèses cocasses, vocabulaire ludique, métaphores audacieuses s’allient à la construction subtile du récit pour faire de cette fiction l’un des plus beaux romans de la rentrée. A lire en souriant.
PERSONNE N’A PEUR DES GENS QUI SOURIENT
PAR VÉRONIQUE OVALDÉ. FLAMMARION, 270 P., 19 €. 17/20